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7.2
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livre de Jérôme Ferrari (2018)

Il faut se méfier de l’eau qui dort

Antonia vient de mourir.
Soirée festive, ravin, embardée : elle a été tuée sur le coup.


Les premières pages laissent supposer un roman qui n’a pas le temps de faire dans la dentelle. Et pourtant si. À l’occasion de l’office funèbre qui sera célébré en l’honneur de cette jeune femme solaire et appréciée de tous, son oncle-parrain-prêtre se laisse dépasser au-delà du cadre de la liturgie pour nous raconter sa filleule. D'autres voix vont se joindre à lui.


Ainsi, pas à pas, on avance dans les étapes de la messe et des funérailles, on reconstitue l’histoire de notre héroïne, on pose les jalons qui ont fait d’elle ce qu’elle est. On la rencontre, on la découvre. On apprécie ses choix, on assiste à ses revirements, ses doutes, ses questionnements, ses vocations, ses idéaux, ses balbutiements d’émancipation et puis finalement à son envolé... et son désenchantement.


Avec Antonia, cette photographe en mal de sens, l’auteur nous parle du pouvoir de la photo, de la force de l’image, de son insignifiance, son obscénité, sa puissance et par extension, de la manipulation qu’elle peut entraîner. Il nous parle du poids la photo sur les épaules d’un reporter, des dommages collatéraux d’une prise de vues, de la prise ratée ou pire, pas osée. Il nous parle aussi d'illusions politiques, de nationalisme et de militantisme péroré. Il nous parle de la guerre. Il nous parle de la foi, de la religion et de la communauté. Il nous parle d’échec, de culpabilité. Il nous parle de la mort.


Un contenu fort rendu par une écriture d’une humilité incroyable. L’auteur laisse toute la place au lecteur de décoder l’histoire, de tirer les conclusions qui s’imposent sans les lui prémâcher. C’est fort.


Verdict : Il faut se méfier de l’eau qui dort. C’est l’adage de ce roman, qui dit beaucoup de choses sans en avoir l'air. Qui doucement, mais sûrement, au détour d’un mot, d’une phrase, d’un paragraphe se met brutalement à déborder de sens, de puissance et d’intelligence.

habibaelb
10
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le 21 avr. 2019

Critique lue 209 fois

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habibaelb

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