Albertine disparaît deux fois. La première lorsqu'elle fait sa malle dans la nuit et que Françoise vient l'annoncer à un narrateur sous le choc. Pourtant il l'avait senti arriver cette nouvelle ; il avait craint ne plus recevoir les baisers d'une Albertine un peu fâchée par la surveillance étroite lui étant infligée, les soupçons la concernant, le manque de confiance et principalement les périodes de bluff où le narrateur disait ne plus l'aimer et vouloir une séparation.
Alors elle s'en va et lui regrette, il comprend que l'on ne désire que ce que l'on ne possède pas (ou plus). Il se persuade qu'elle rentrera tôt. Mais ce n'est pas le cas.

Mais la vraie disparition d'Albertine est sa mort. Il en reçoit la nouvelle par une lettre de Mme Bontemps.
Commence alors une enquête post mortem sur les préférences sexuelles de la disparue, sur ce qu'elle faisait réellement en son absence, sur son comportement, voir sur son jugement envers son détenteur. Et les révélations réveillent jalousie et déception, mais souffre aussi d'une crédibilité hélas faillible.

Il faudra donc du temps pour oublier Albertine, si cela est jamais possible. Ce Temps, source de l'œuvre de Marcel Proust. Lui seul permet de panser les blessures, que des souvenirs peuvent toutefois réveiller un instant.
Quelques bonnes nouvelles viendront éclaircir l'horizon comme la publication de l'article écrit fort longtemps auparavant par le narrateur dans le journal du Figaro.
Certaines filles ressemblant plus ou moins à l'être (finalement) tant aimé permettent au narrateur de trouver consolation.
Mais cela ne suffit pas, au point que lorsqu'il reçoit une lettre de Gilberte annonçant son mariage (avec St Loup, son ami) il comprend de travers (trompé par l'écriture) et croit recevoir une missive d'Albertine lui apprenant qu'elle est en vie et qu'elle souhaite l'épouser s'il le désire.

Cette lettre il la reçoit à Venise. Car il a enfin accompli, avec sa mère, son souhait de se rendre dans la cité italienne parcourue de canaux. L'auteur, comme le lecteur, de constater que le narrateur accomplit son désir, le réalise par le décès d'un être proche et cher. C'est l'objet d'une réflexion sur le sujet dans ce sixième tome, aux côtés des thèmes habituels de la jalousie, du désir, des secrets mais aussi de diverses remarques sur l'Art, l'homosexualité...
Et le narrateur d'apprendre d'autres informations importantes sur son ami St Loup et même sur sa première "rencontre" avec Gilberte lors d'une promenade à Combray en famille.

Proust nous délecte encore de sa plume, de sa pertinence dans les sujets abordés et colle au plus près du thème central d' "A la recherche du Temps perdu", c'est à dire le rapport au Temps.
La construction d'un homme se fait avec ses souvenirs, mais ces derniers s'altèrent inévitablement, et sont déformés par nous, interprétés faussement (comme le montre l'exemple du souvenir de Gilberte) jusqu'à ce que l'on remarque notre erreur.

Finalement ce tome semble bien préparer le final de l'œuvre, "Le Temps retrouvé", que l'on a hâte de dévorer à la suite de ce volume excellent en tous points.
ngc111
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le 16 avr. 2012

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ngc111

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