On désire être compris parce qu'on désire être aimé, et on désire être
aimé parce qu'on aime. La compréhension des autres est indifférente et
leur amour importun.



Avant-dernier roman de La Recherche, Albertine disparue est pour moi l'oeuvre la plus prenante que j'ai lue jusqu'ici de l'oeuvre-somme de Marcel Proust. Pourquoi ???



En échange de ce que l'imagination laisse attendre, et que nous nous
donnons inutilement tant de peine pour essayer de découvrir, la vie
nous donne quelque chose que nous étions bien loin d'imaginer.



Parce qu'avec la beauté du style et la précision chirurgicale, pour ce qui est de décrire la psychologie la plus enfouie et la plus secrète, les moindres mécanismes de la pensée, qu'on lui connait, l'écrivain décrit le deuil, l'oubli progressif autour de ce dernier, les soubresauts inévitables de souvenir, les sentiments qui maintiennent vivant un être décédé (ici la jalousie, qui a été la grande thématique de La Prisonnière !). On a des fois l'impression d'être devant le miroir de son âme.



C'est étonnant comme la jalousie, qui passe son temps à faire de
petites suppositions dans le faux, a peu d'imagination quand il s'agit
de découvrir le vrai.



Après, on comprend enfin vraiment et totalement, après l'avoir compris en partie dans le roman précédent, le pourquoi d'Un Amour de Swann.



Le mensonge est essentiel à l'humanité. Il y joue peut-être un aussi
grand rôle que la recherche du plaisir, et d'ailleurs est commandé par
cette recherche. On ment pour protéger son plaisir, ou son honneur si
la divulgation du plaisir est contraire à l'honneur. On ment toute sa
vie, même, surtout, peut-être seulement, à ceux qui nous aiment.
Ceux-là seuls, en effet, nous font craindre pour notre plaisir et
désirer leur estime.



Aussi, parce que Proust n'a jamais décrit des scènes aussi sensuelles, redoutables par ce qui est suggéré qu'ici, que l'on a lors des révélations. Oui, le côté révélations joue pareillement dans le fait que ce roman soit particulièrement captivant. C'est une valeur sûre.


Et puis, la dernière raison est de l'ordre de l'attachement, on a beaucoup de plaisir à retrouver des personnages que l'on n'avait pas croisés depuis longtemps. On a beaucoup de plaisir à retrouver Saint-Loup, Odette, et puis surtout Gilberte, Gilberte qu'on n'avait pas vue depuis A l'ombre des jeunes filles en fleurs, ça fait un sacré bout de temps et une sacrée portion de lecture entre les deux. En toute franchise, ces personnages commençaient sérieusement à me manquer.


Je ne vous cache pas qu'en bonne partie grâce à cela, et donc pas uniquement parce que c'est la fin définitive d'une oeuvre, que ce soit celle de La Recherche ou celle, dans son entièreté, de Proust, c'est avec énormément d'émotion que je vais commencer à lire Le Temps retrouvé.

Plume231
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Ce que je dois lire au plus vite moi qui suis un gros fainéant adepte de la procrastination !

Créée

le 22 sept. 2017

Critique lue 1.6K fois

19 j'aime

1 commentaire

Plume231

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

19
1

D'autres avis sur Albertine disparue

Albertine disparue
Plume231
9

La Disparition !!!

On désire être compris parce qu'on désire être aimé, et on désire être aimé parce qu'on aime. La compréhension des autres est indifférente et leur amour importun. Avant-dernier roman de La...

le 22 sept. 2017

19 j'aime

1

Albertine disparue
Nomenale
9

Obsédante absence

Albertine disparue mais toujours là bien sûr, présence obsédante d'une bonne partie de ce volume. Ce n'est plus la jalousie comme dans le tome 5 mais bien Albertine elle-même qui prend toute la place...

le 6 oct. 2014

14 j'aime

Albertine disparue
EIA
9

Encore!

Jusqu'ici mon tome préféré d'A la recherche du temps perdu. Laissée sur ma faim à la dernière page, la dernière phrase du tome précédent, c'est pleine d'appétit que j'entame celui-ci. Je n'ai pas...

Par

le 31 juil. 2013

14 j'aime

6

Du même critique

Babylon
Plume231
8

Chantons sous la pisse !

L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...

le 18 janv. 2023

285 j'aime

19

Oppenheimer
Plume231
3

Un melon de la taille d'un champignon !

Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...

le 19 juil. 2023

208 j'aime

28

The Batman
Plume231
4

Détective Batman !

[AVERTISSEMENT : cette critique a été rédigée par un vieux con difficile de 35 piges qui n'a pas dû visionner un film de super-héros depuis le Paléolithique.]Le meilleur moyen de faire du neuf, c'est...

le 18 juil. 2022

137 j'aime

31