« Avec tes mains » d'Ahmed Kalouaz me laisse une impression mitigée. En effet, le récit est bien mené, dans un style d'excellente facture et on se laisse facilement entraîner dans ce récit. Il s'agit de la perception d'un fils de ce qu'à pu être la vie de son père. Un père aujourd'hui disparu avec toute la charge de regrets et de choses qu'on aurait tant voulu partager ou dire.

Ce père est né en Algérie, du temps où cette terre était encore d'une partie du territoire français. En commençant en 1932 puis en incrémentant chaque chapitre de dix années de plus, Ahmed Kalouaz a trouvé le moyen de raconter cette vie sans s'appesantir sur les détails du quotidien. En fait, il s'agit là de montrer la traversée de l'histoire de cette fin du XXe siècle par cet homme ordinaire.

Le récit aurait pu être vengeur à l'endroit de cette France ingrate ou de cette Algérie qui a perdu son idéal dans la soif de pouvoir de ses dirigeants successifs. Mais il n'en est rien. L'écriture est apaisée, lance parfois quelques piques trop policées pour être de réelles critiques des uns ou des autres. L'histoire est linéaire, les gens sont ordinaires, mais leurs vies sont celles de milliers d'exilés.

Du sang versé pour la France quand il s'est fallu la libérer de l'occupant allemand, à la sueur versée sur les chantiers de cette même France, en passant par le rêve impossible de retourner dans un pays qui l'a vu naître, mais qui n'est plus tout à fait le vôtre, on suit la vie de cet homme qui ne se plaint pas et qui, avec ses mains, fait tout pour que sa famille soit telle qu'elle se doit d'être. Il est analphabète, on l'exploitera donc sans aucun état d'âme. Au demeurant, il s'en moque, ce qu'il fait c'est avant tout pour les siens.

D'immigré dans cette France à reconstruire, il va peu à peu s'intégrer au décor pour finir en chibani. Retourner au pays, c'est perdre la retraite acquise en France dans les labeurs les plus pénibles qui soient. La relation à ses enfants, et à ce fils qui est le narrateur est l'aspect le plus poignant de tous. Certes, la tradition veut qu'il ne retourne au pays que pour y être enterré. Mais ses enfants vont perdre bien plus qu'un père en laissant ce corps qu'ils ne chérirent pas assez partir de l'autre côté de la Méditerranée.

Un roman poignant, court avec ses 110 pages, mais une vie ordinaire. Une vie linéaire comme ce récit, sans heurts, sans rien de palpitant. Non, juste un roman d'une vie et d'actes manqués entre un fils et son père. L'absence de passion dans le propos notamment avec ce trop-plein de regrets nous laisse un peu sur notre faim. Même si, d'une certaine façon, l'auteur tente de se racheter avec une fin à la hauteur de l'enjeu. Un bon roman, sans plus.
Bobkill
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le 9 nov. 2010

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