"Dis-moi fou mais crois-moi !"

Ce livre, je n'ai de cesse de le recommander à la lecture. Beaucoup sont rebutés par la longueur de l'ouvrage, alors oui c'est un roman fleuve, mais c'est aussi du pur génie à la Albert Cohen. Livre hétéroclite, exalté, excentrique (les chapitres entiers sans la moindre ponctuation !), lyrique, banal, génial, en un mot : magnifique. On retrouve tout le processus amoureux disséqué dans ses moindres détails, de ses excès jusqu'à sa plus évidente banalité. Ce qui fait la force de ce livre, c'est qu'il est extrêmement vivant, qu'on se reconnait facilement dans tous ces détails du quotidien.

Il m'aura fallu pas moins de 2 relectures pour déguster ce chef d'oeuvre, en apprécier toutes les subtilités. La première lecture a été un envoûtement total, j'ai dévoré le livre en quelques jours, je n'en dormais plus de la nuit. Le personnage de Solal me subjuguait littéralement. Je n'avais qu'une hâte qu'on se débarrasse de Deume. Et qu'on laisse Ariane et Sol la vivre leur satanée passion !

La seconde lecture et 3ième lecture ont été beaucoup plus nuancées. Notamment parce qu'ayant lu la préquelle de Belle du Seigneur (Solal) j'avais enfin un regard différent sur ce Don Juan malgré lui. Il n'était plus à poser sur un piédestal. Il était pathétique et complètement fou - d'amour - mais fou. Et n'en demeurait pas moins tout aussi génial (le passage sur la séduction avec Nathan, une perle !) Evidemment la fin de Belle du Seigneur parait moins tragique, moins brutale quand on a lu Solal car s'auto saborder c'est la caractéristique essentielle du personnage. Il est en quête d'absolu, d'idéal et c'est ça qui le tue systématiquement. Il aime une idée de la femme, et pas ce qu'elle est réellement. Il passe littéralement à côté d'Ariane. Ce qu'il aime en elle, c'est ce qu'il a projeté. Quand il comprend qu'elle n'est pas si différente des autres, c'est le choc. C'est la chute, le déclin. De toute façon, il sait ce qui les attend...

Ironiquement, j'ai fini par apprécier Deume que j'avais complètement snobé la 1ère fois tellement il m'ennuyait. Cet homme bourré de défauts, qui représente monsieur tout le monde, devenait enfin attachant et rationnel.

Finalement, Ariane est de loin le personnage qui m'a le plus déçu. Sa personnalité n'est pas assez mise en avant. Elle est toujours soumise aux autres hommes : à l'ennui et la routine de Deume qu'elle a épousé sans trop savoir pourquoi, à son 1er amant qu'elle a suivi là encore sans trop savoir pourquoi, et soumise au tourbillon solalien. Pourtant, dans les premiers chapitres on la pense plus solide, plus consistante. On se fait une idée d'elle, un peu comme Solal en fait...

Comme toujours, l'amour et la mort sont très présents dans l'oeuvre de Cohen, étroitement liés. Il y a aussi énormément d'humour.

Bref, le genre de livre qu'on ne peut pas ne pas lire au moins une fois dans sa vie.