Voici un roman noir pas si vieux que ça (publication originale en 2000), qui risque bêtement de tomber dans l’oubli (parce que la production est pléthorique), alors que sa lecture procure un vrai bon moment.


Carmen (Nevada) est un patelin dans le désert, non loin de Las Vegas (ses casinos, ses machines à sous, son ambiance lumineuse où de nombreuses filles sont venues se brûler les ailes).


Neil Garvin, 17 ans, a un avenir prometteur de quaterback, poste où il joue dans l’équipe de son lycée. Avant un match important, il vient à une fête où l’ambiance typique (beuveries, flirts, petites mises en scène humiliantes, etc.) dégénère un peu, avant qu’il reprenne la route pour rentrer à la maison.


Dans le noir, la voiture subit un choc violent. Il s’arrête et comprend qu’il vient de percuter celui à qui il a fait subir une humiliation peu de temps auparavant. Le voilà avec un cadavre sur les bras alors qu’une autre voiture arrive rapidement. Que faire sinon balancer illico le cadavre dans le coffre ? Il était temps, car voilà son copain Reed qui tentait de le rattraper pour réparer un oubli.


Dans ce roman (son premier), mené de main de maître par Alan Watt (né en Écosse, enfance au Canada puis enseignant en écriture à l’université UCLA), tout s’enchaine de façon implacable, avec de nombreux rebondissements et une ambiance dont le lecteur peut se délecter de bout en bout : 247 pages (Gallimard, collection La Noire), 44 chapitres, du dialogue et des non-dits parfois ahurissants, de la psychologie au milieu d’un roman d’apprentissage qui ne laisse pas indifférent.


En effet, dès qu’il y a une victime, on sait qui est responsable. Par contre, on comprend au fur et à mesure jusqu’où les uns et les autres iront pour s’en sortir. Et la galerie de personnages vaut le détour.


Personnage le plus étonnant et trouble, Chester le père de Neil s’est fait larguer par la mère du jeune homme (Neil avait 3 ans). Quand il se retrouve seul, il va draguer à Las Vegas. C’est là qu’il a trouvé Kimmy qui partage désormais sa vie. Neil n’a pas grand-chose à voir avec Kimmy et Chester peut la remplacer quand bon lui semblera. Neil a également une petite amie, Lenore. Malheureusement, Lenore ne se sent pas encore prête pour l’amour physique. Or, Neil se trouve là quand on annonce à la famille du disparu (cadavre introuvable), qu’on est sans nouvelles.


Très touchée, Mary la sœur trouve refuge dans les bras de Neil. Et elle ne trouve pas mieux ensuite que d’aller le raconter à droite à gauche dans le lycée, provoquant la fureur de Lenore qui évalue la situation avec une copine éternellement accrochée à ses basques.


Quant à la famille de la victime, voyant que l’enquête piétine, elle appelle un certain Burden, membre du F.B.I. qui tente de faire preuve d’autorité pour imposer des interrogatoires serrés. Qui finira par laisser échapper une contradiction fatale ?


N’oublions pas qu’un match important approche. Neil forme un duo très au point avec Reed. A force d’entrainements, ils ont mis au point un automatisme qui permet à Neil de trouver Reed à plusieurs dizaines de mètres quasiment les yeux fermés. Les recruteurs des universités sont à l’affut. Personne ne comprend donc que Neil ne soit plus que l’ombre de lui-même à l’entrainement et qu’il aille jusqu’à claquer la porte sur une ultime provocation d’Ulster, l’entraineur qu’il déteste.


Ce roman très noir ne se contente pas de délivrer une intrigue avec enquête de police. D’ailleurs l’enquête n’intéresse pas vraiment Alan Watt, puisque dès le début nous connaissons les circonstances du drame. A vrai dire, nous ne savons pas où est le corps, même si nous devinons qui l’a fait disparaître. Neil étant le narrateur, nous vivons ses angoisses. Comment va-t-il s’en sortir au milieu de cette intrigue policière ? Tout s’en mêle, de son apprentissage des relations amoureuses à ses relations avec son meilleur ami en passant par son éventuel avenir de footballeur (américain) qui doit assumer un rôle dans une équipe et surtout ses relations familiales.


La figure du père domine. Peu loquace, il agit souvent de façon très mécanique. On le sent très désabusé depuis le départ de la mère de Neil. Sa seule passion va vers le talentueux auteur-compositeur-interprète et acteur Neil Diamond (il a donné son prénom à son fils), dont il connaît les chansons par cœur et qu’il va voir en concert dès que possible. Par opposition, son fils est un admirateur du groupe Nirvana et en particulier de son leader Kurt Cobain. Neil aime mettre la musique à fond, reconnaissant qu’il ne comprend rien aux paroles qui sont hurlées. On imagine que c’est sa façon d’oublier ce monde dans lequel il a du mal à trouver sa place. Il faut dire qu’il reste obsédé par l’image de sa mère. C’est bien d’image dont il s’agit, car ses souvenirs de la courte période où il l’a côtoyée sont trop loin, trop vagues. Son malaise vient de ce qu’il ne sait pas quoi penser d’elle. Pourquoi est-elle partie en l’abandonnant ? Pourquoi ne lui a-t-elle écrit qu’une seule fois ?


Le roman se termine par une partie à forte tendance psychanalytique d’une crédibilité seulement moyenne, mais qui apporte un éclairage surprenant à l’histoire.

Electron
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le 4 août 2018

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