En ce mois de mai, pour débuter mon challenge Stephen King qui va m’amener à lire ses œuvres dans l’ordre de publication, j’ai relu pour la énième fois Carrie. Publié en 1974, ce premier roman, qui remporte un franc succès et fera connaître de fait l’auteur après des années de tentatives infructueuses, a pourtant failli ne jamais voir le jour. A l’origine, cet écrit destiné à être une nouvelle, avait été jeté à la poubelle par l’auteur lui-même qui trouvait son travail trop mauvais. Par un heureux hasard, sa femme Tabitha tombe sur les pages chiffonnées, les lit et déclare à son mari, un truc du genre: « Mais c’est excellent! Pourquoi tu ne continues pas? » Poussé par les encouragements de sa femme, il reprend la plume, la nouvelle prend la forme d’un véritable roman et il l’envoie sans grande conviction à une maison d’édition. Et là c’est le jackpot!! La maison d’édition Doubleday décide de publier le roman. Moins d’un an plus tard, ce sont déjà 1 300 000 exemplaires qui ont été vendus.


Carrie fait partie des romans les plus populaires de l’auteur mais selon moi, et je rejoins l’auteur qui le dit lui-même, ce n’est pas sa meilleure œuvre. En effet, Stephen King a écrit par la suite des récits bien plus angoissants et haletants, cependant Carrie mérite que l’on s’y attarde ne serait ce parce que le roman aborde de nombreux thèmes que l’auteur n’aura de cesse de reprendre dans l’ensemble de son œuvre: les travers de la société américaine, les aspects négatifs de la nature humaine, l’enfance, la confrontation entre le Bien et le Mal, la morale et la religion.


Est ce le passage du temps, la maturité, l’expérience, je ne saurais le dire, mais j’ai encore une fois redécouvert Carrie, le roman dans son entièreté mais aussi le personnage. Je devais avoir 16-17 ans, quand j’ai lu le roman pour la première fois et à l’époque je n’avais retenu que la simple et sanglante histoire d’une adolescente qui fait tout péter autour d’elle muée par un sentiment de colère et de vengeance. Je n’avais pas été particulièrement sensible au personnage de Carrie, ni aux autres personnages secondaires d’ailleurs. Bref, une agréable lecture certes mais rien de transcendant. Cette fois-ci, j’ai eu la sensation de décoder le message de l’auteur et de me plonger véritablement au cœur de la psychologie des personnages…


Au final, ce que Stephen King délivre au lecteur c’est l’histoire d’une adolescente de 17 ans, rejetée et humiliée par ses pairs, incomprise, souffre douleur, harcelée et victime des pires sarcasmes. C’est malheureusement le quotidien de bien des jeunes gens de nos jours, il suffit de lire les faits divers pour s’en rendre compte et j’espère que la médiatisation aidant permettra de prendre des mesures concrètes pour stopper ce genre de dérives… Le pire dans tout cela, c’est que les adultes dans le quotidien de Carrie, incarnation de la protection, sont aussi cruels que les adolescents. Les professeurs, les habitants de la ville de Chamberlain mais aussi et surtout la mère de Carrie, une bigote totalement fanatique. Carrie ne disposent d’aucune épaule sur laquelle se reposait, aucune amie à qui se confier. Les tentatives de Sue Snell et de son petit ami Tommy arriveront malheureusement trop tard. J’ai été cette fois ci, profondément touchée par le personnage de Carrie qui est au final un jeune adolescente qui ne souhaite que vivre comme les autres gens de son âge: s’amuser, avoir un petit ami, s’habiller avec de beaux vêtements, se maquiller, avoir des amies…Malheureusement le climat familial dans lequel elle vit ne lui permet pas de vivre en toute liberté. La vrai fautive de ce drame désastreux est la mère de la jeune fille qui l’élève dans un carcan religieux qui ne laissent aucune place aux plaisirs.


Malheureusement quand on pousse le bouchon trop loin, bah ça finit par exploser. C’est ce qui arrive avec Carrie, la tension et la rage est à son comble et le pouvoir de la jeune fille se déchaîne, la télékinésie. Les réflexions sur ce pouvoir sont assez intéressantes notamment celle qui tendent à dire que ce serait génétique.


Bien que Carrie ne soit pas le roman le plus terrifiant et le mieux réussi de l’auteur, il mérite largement qu’être lu. L’auteur y dénonce avec finesse la société américaine qui ne fait rien pour protéger les personnes en position de faiblesse, les vices et la cruauté de la nature humaine qui poussent les gens à vouloir écraser et détruire les plus faibles mais aussi les dérives du fanatisme religieux. C’est surtout le personnage de Carrie que l’on garde en mémoire, jeune fille frêle moquée de tous mais qui finira par révéler toute sa force et sa puissance…Carrie dont le souhait le plus cher était de vivre tout simplement comme n’importe quelle adolescente de son âge…

JessicaDubreucq
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le 25 mai 2019

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