Il est parfois difficile de s'atteler à la lecture d'un livre dont on connait plus ou moins la fin, dont on connait déjà les grandes lignes de l'histoire. Sans avoir lu la moindre page du roman original, une grande majorité de la population connait l'histoire de Carrie White, cette adolescente maltraitée par ses camarades de classe et qui va un soir déchainer sa colère. Merci au film de Brian De Palma, très fidèle au passage si l'on excepte le final. C'est donc avec le cerveau bourré de spoilers que je me plonge dans le premier roman de Stephen King, maître de l'horreur en devenir.

Construit à partir du point de vue de plusieurs personnages et de sources différentes, "Carrie" pose déjà les bases de ce qui sera la marque King, l'auteur dessinant un brouillon de son univers mental si particulier que l'on apprendra à apprécier (ou pas) par la suite. Un quotidien banal fait de petites bourgades paisibles, de "monsieur et madame tout le monde", d'institutions typiquement américaines où va pourtant s'insinuer le fantastique le plus pur.

A travers le portrait touchant et douloureux d'une adolescente mal dans sa peau, véritable martyre des temps modernes, King aborde des thèmes qu'il ne cessera d'approfondir dans ses oeuvres suivantes, notamment les multiples facettes d'un mal absolu, incarné à la fois par un visage humain (prenant ici les traits d'une lycéenne pimbêche dont la seule ambition est de détruire les autres) et par un élément moins palpable, moins tangible, plus surnaturel (ici la télékinésie).

Tout en pointant méchamment du doigt le danger d'une dévotion aveugle et sans limite, les hypocrisies inhérentes à toute communauté et surtout l'acharnement physique et psychologique sur une tiers personne, Stephen King observe les mécanismes qui mèneront à la destruction de toute une ville et d'une grande partie de ses habitants, jusqu'à une conclusion apocalyptique et bouleversante dans sa représentation d'un effroyable gâchis à échelle humaine.

Représentation aussi violente que pertinente de l'adolescence tout autant que récit d'épouvante rudement efficace, "Carrie" est un premier roman certes imparfait mais qui laisse déjà entrevoir tous les horribles tableaux cauchemardesques que s'apprête à peindre son créateur.
Gand-Alf
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le 28 avr. 2013

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Gand-Alf

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