Un bien singulier pluriel

Nombreux sont ceux qui, de par le monde, croient encore au rêve américain, et veulent débarquer en ces terres pour y faire fortune, comme dans ces films exportés partout ailleurs. "Certaines n'avaient jamais vu la mer", c'est l'histoire d'immigrées qui, comme tant d'autres, y ont cru. A une autre époque, début XXè, mais le problème reste bien d'actualité.

L'histoire de jeunes Japonaises innocentes et naïves à qui un glorieux destin est promis aux États-Unis, par le biais d'une union avec un riche banquier, dit la missive que leur fut envoyée au Japon pour les inciter à venir. La désillusion est prévisible, mais dure, et touchante.

Car Julie Otsuka emploie un procédé vraiment original pour mettre en relief cette histoire, ces histoires : on ne suit pas une de ces femmes, mais toutes à la fois. Elles forment une entité cohérente et unie, par des analogies évidentes, tout en ayant chacune un nom propre et des spécificités. Et sitôt la vie d'une sera abordée que l'on passera à une autre, tandis que le destin de la première se noiera dans celui de tant d'autres.

Et ça marche plutôt bien, certains moment en sont vraiment transcendés, comme les chapitres consacrés à la nuit de noce ou aux accouchements, dont la violence et la puissance est d'autant mieux mise en avance grâce à la répétition.

La contrepartie évidente, c'est qu'on ne s'attache à aucun personnage en particulier, puisqu'on les oublie aussi vite qu'on les découvre, et il est dès lors difficile d'éprouver de l'empathie lorsqu'on apprend que l'une est décédée ou a subi un traitement injuste. Était-ce voulu, je ne sais pas, mais cette masse, si grouillante, finit par se déshumaniser.

Et si le récit a un intérêt historique évident (de par la période concernée et le point de vue adopté), force m'est d'admettre que cette chorale de témoignages a fini par m'ennuyer quelque peu. Sans doute la narration fait-elle manquer un peu de souffle à l'histoire, ou bien est-ce le manichéisme prononcé avec une distinction "gentils Nippons VS méchants Américains racistes" qui aura fini par me lasser.

Je ne sais pas, mais c'est en tout cas une lecture digne d'intérêt, mais qui pêche clairement à cause de son point de vue, peut-être trop original.