Publié dans les années 90, "Ciel brûlant de minuit" est l'une des œuvres les plus récentes de Robert Silverberg, d'où sa thématique très actuelle : la question environnementale. On y découvre une Terre au climat détraqué avec, par exemple, des pluies plus abondantes au Moyen-Orient que dans les régions agricoles traditionnelles des États-Unis. Conséquence du réchauffement global, la fonte des glaces a provoqué la submersion de nombreuses zones côtières, le Japon notamment. Suite à la disparition de la couche d'ozone, les habitants sont contraints à des injections quotidiennes pour éviter que leur peau ne brûle au soleil. Quant à l'air, qui ressemble à "une soupe épaisse" au point de nécessiter l'usage de masques filtrants, il est en passe de devenir littéralement irrespirable... La survie du genre humain repose désormais sur différentes options : des modifications génétiques permettant de s'adapter aux nouvelles conditions environnementales ; l'organisation de voyages interstellaires afin de découvrir d'autres planètes habitables ; l'émigration vers l'une des nombreuses stations orbitales – ces dernières fonctionnant à la manière d'états indépendants.


La quatrième de couverture, comme souvent, est à côté de la plaque : l'action ne se déroule pas au 24ème siècle (qui pourrait croire qu'il faille attendre si longtemps pour voir de graves problèmes écologiques se généraliser sur notre planète ?) mais dans un futur bien plus proche de nous, sans doute aux alentours de 2100 si l'on se fie à certains indices, comme les souvenirs d'enfance du grand-père de Carpenter qui le ramènent à la fin du 20ème siècle ou au début du 21ème... D'ailleurs, bien que certaines de leurs tâches soient dévolues à des androïdes, les Terriens du futur imaginé par Silverberg utilisent une technologie guère plus évoluée que celle de l'an 2000. Plus globalement, ils ne sont pas différents de nous : ils sortent au restaurant avec leurs amis, vont chaque matin au bureau, sont aux prises avec des problèmes d'alcool, de drogue ou de couple – bref, des gens on ne peut plus normaux... Si l'on est du genre à voir le verre à moitié plein, on se dira qu'une telle proximité permet au lecteur d'aujourd'hui de se mettre facilement dans la peau de ces hommes et ces femmes du futur ; si l'on est plutôt du genre à voir le verre à moitié vide, on pensera que l'auteur ne s'est pas fatigué à imaginer les conséquences sociales profondes des bouleversements environnementaux...


La première moitié du roman est constituée de deux arcs narratifs principaux : l'un sur notre planète, en Amérique, et l'autre dans l'espace, sur la station orbitale de Valparaiso Nuevo. Les fils ne commenceront à se rejoindre que dans la seconde moitié. Cela pourrait déplaire à certains lecteurs, personnellement c'est un procédé que j'aime bien. J'ai tout de même, parfois, eu le sentiment que l'auteur ne savait pas trop où aller, j'ai eu peur qu'il navigue à vue... Et ces craintes ont été confirmées dans cette seconde moitié où tous les personnages se rencontrent, consacrée pour l'essentiel à une intrigue qui ne m'a pas passionné. Au lieu d'approfondir les problématiques abordées dans les premiers chapitres, Silverberg est allé sortir de son chapeau une histoire de conspiration visant à renverser un leader politique, sur fond de rivalités entre mégafirmes... Une intrigue à la construction et à la résolution décevantes, et, surtout, qui n'a pas grand-chose à voir avec la question environnementale censée être à la base du roman.


Après certaines lectures un peu laborieuses, j'ai d'abord été ravi de retrouver la plume de Robert Silverberg, qui reste pour moi une valeur sûre. Je m'attendais à me régaler, d'autant que "Ciel brûlant de minuit" part sur d'excellentes bases. La description de cette Terre mourante est saisissante, des pistes de réflexion sont lancées... mais rien n'aboutit réellement, l'intrigue se perd en route. Une fois la dernière page tournée et le livre refermé, il me reste l'impression frustrante que celui-ci, qui n'est certes pas mauvais du tout, est passé à côté de ce qu'il aurait dû être. Dommage !

Oliboile
6
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le 9 déc. 2018

Critique lue 198 fois

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