En conscience

Cet ouvrage est précieux et m'a touché personnellement. Je me reconnais dans l'approche de la pensée qui est celle d'Hannah Arendt : examiner, une fois rentré chez soi, ce que nous avons dit et fait, tels Socrate et Richard III de Shakespeare. Arendt prend soin de montrer que la pensée est essentiellement politique en ce qu'elle rend possible le jugement, ce qui lui permet de rendre cohérentes entre elles son analyse passée de la Vita activa dans Human Condition (1958), et son analyse en cours dans les années 70 de "The Life of the Mind". Sans le dire explicitement, bien que citant Heidegger, Arendt fait une interprétation critique et politique de la "pensée" de Heidegger. Il est bon de s'en rappeler à l'heure où certains tentent de démontrer qu'Arendt suivait aveuglément les idées de Heidegger. A mon sens, l'hypothèse d'Arendt est que Heidegger a eu tort de dissocier la pensée de la politique, bien qu'il ait compris l'essence de la pensée au départ. Et Arendt maintient son analyse d'Eichmann réalisée dix ans plus tôt. Dans les Considérations morales, le contexte est plus solitaire et moins polémique, plus posé. Je dirais du coup qu'Arendt est ici plus convaincante que dans Eichmann à Jérusalem (1963), bien qu'Arendt n'a jamais prétendu faire de la "banalité du mal" une théorie ou un système du mal.

Le texte d'Arendt est précédé d'une notice biographique de Mary McCarthy, amie d'Arendt, dont les descriptions me font penser que le film de Margarethe von Trotta est fidèle à l'esprit de notre philosophe.