Le plus ardu pour un recueil de nouvelles est d'en trouver le titre. S'il n'est pas celui de la nouvelle la plus emblématique, il doit respecter l'esprit de l'ensemble. Et ici ça tombe juste, les nouvelles parlent effectivement dans au moins cinq d'entre elles (sur sept) d'hommes sans femmes, ou tout du moins au rapport compliqué qu'ils entretiennent avec celles-ci. De la solitude au solide bouclier qui, brandi, fait office de mur infranchissable.


Le style de Murakami est toujours captivant, simple et limpide, il oscille entre local et universel, entre Japon et occident. Houellebecq et Mishima ayant fusionné pour livrer une passionnante production du meilleur des deux mondes.


Les nouvelles relèvent du beau archaïque (toujours intemporel), de la délicatesse et d'une lumière enfouie irradiant chaque mot de ses rayons. Le tout dessinant une irréfragable féerie urbaine, de la contre-métamorphose au mystère qui entoure les bars, en passant par le lien qui unit féminin et taxi. Tout semble reposer sur la première marche du sublime, en suspension dans le jardin de l'impénétrabilité.


De cette compilation homogène se dégage une langueur synthétique. Cette mélancolie calme et apaisante qui fait de notre lecture une méditation plus qu'un acte de culture.


On en ressort plus serein, plus endurant, comme ayant mis malgré nous un pied dans un shintoïsme dégoulinant de bitume.


Murakami aura fait du chemin, comme cette limace de notre enfance (vive les VRP), depuis ses premiers romans. Il apparaît bien sûr plus cynique mais conserve un amour intact des relations humaines frappées de surréalisme, qui transparaissent déjà dans la trilogie du rat.


Pour conclure, un recueil qui constitue une brique supplémentaire en faveur de l'obtention d'un prix Nobel de littérature, tant de fois promis, annoncé, prédit et qui serait au combien mérité. Et si c'est pour l'en écarter encore une année de ce saint Graal, donnons le d'abord à l'immense Richard Millet.


                        Samuel d'Halescourt

Créée

le 23 sept. 2018

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