Diaspora
7.5
Diaspora

livre de Greg Egan (1997)

En préambule, je tiens à préciser que si j'attribue un poussif 6/10 à ce roman, je suis pleinement conscient que cela tient aux limites de mes capacités cognitives et de mes connaissances. Je ne peux qu'encourager sa lecture pour toute personne plus versée que moi (et il y en a !) en physique quantique notamment. Fin du préambule.


J'entends parler de Greg Egan depuis 2009, en tant que pape de la hard science, suite à la sortie d'Océanique, son recueil de nouvelles pour lequel j'ai entendu des éloges sans nombre (enfin, que je n'ai pas pris la peine de dénombrer plutôt).


Tout cela m'intriguais, mais bon, le côté hard science d'une part (je suis friable en sciences) et les lectures imposées par le taf m'en ont longtemps tenu éloigné, jusqu'à ce Diaspora, qui m'est échu au boulot, justement.


De quoi parle-t-on ici ?


De plein de choses en vérité. L'histoire débute en 2700 et des poussières, par la naissance, sous nos yeux ébahis, d'une conscience logicielle qui va accéder au statut de citoyen de la polis de Carter-Zimmermann.


Car dans ce futur pensé par Egan, la majorité de l'humanité vit débarrassée des contingences de la chair, les uns ayant migré dans des corps robotiques (des gleisners) et étant partis explorer l'espace, les autres ayant opté pour une vie purement dématérialisée et logicielle dans de grandes bases de données en orbite autour des planètes du système solaire et de leurs satellites (les fameuses polis).


Quelques dizaine de milliers "d'enchairés" - comprendre des humains encore organiques - vivent encore sur la planète bleue, mais même eux sont plus ou moins augmentés / modifiés.


On l'aura compris, Egan choisit de nous parler d'une humanité, et bien post-humaniste. La question de ce qui fait, ou ne fait pas un Homme est centrale dans les questionnements philosophiques abordés par le texte, et la question de l'autonomie de l'individu est centrale au sein de cette humanité post-chair ou non.


Mais bien sûr, Egan n'en reste pas là. Sans trop en révéler de l'intrigue du roman, l'exploration spatiale y occupe une grande place, la question des dimensions de l'Univers (qui pourraient bien être plus que quatre finalement) et de l'existence d'une vie extra-terrestre aussi.


Et là, on rentre dans la hard science level 20, avec beaucoup de concepts mathématiques et / ou liés à la physique quantique, avec de temps en temps, un peu de biologie et de génétique pour faire bonne mesure. Autant le dire, il faut s'accrocher !


Perso, toutes les saillies mathématiques ou quantique m'ont complètement paumées, et il y a des passages entiers où j'ai eu bien du mal à me figurer ce qu'on me décrivait ou à capter les implications des explications qui m'étaient pourtant obligeamment fournies...


Et donc, c'était mon premier contact avec Egan. Bilan ?


Hé bien, mitigé. Et frustrant.


À sa lecture, je sens bien que globalement, ce que je lis est brillant. En revanche, ça l'est beaucoup trop pour moi (d'où la frustration). Tant que Greg Egan reste sur des considérations philosophiques
ou sur des questions de biologie , j'arrive à suivre. Par contre, dés qu'on part sur les mathématiques purs et la physique quantique, bonjour les dégâts !


Le livre est vraiment réservé à un public plus qu'averti, et avec de solides bases scientifiques, et c'est mon principal reproche. On me rétorquera que le principe de la hard science, c'est d'être costaud sur le plan scientifique, et donc exigeante. Alors certes, mais il y a des hard scienceux plus abordables quand même, et je pense par exemple à Peter Watts.


N'en reste pas moins que je n'ai pas passé un horrible moment de torture à sa lecture, et il a même ses moments de pures gratifications intellectuelles quand on saisit tel ou tel principe ou concept, ou de pure magie littéraire. À ce titre, la description de la "naissance" du citoyen Yatima, en début de roman est une merveille.


Greg Egan nous y décrit comment, à partir de petits paquets de données, la matrice logicielle arrive à élaborer un embryon (numérique) qui s'éveille petit à petit, par stimuli et imitations à la pleine conscience. Un passage réellement vertigineux !


De même, si on se souvient que ce roman a plus de 20 ans, il est remarquable par son audace en matière de prospective et de réflexion autour du concept de post-humain. Imaginer des citoyens purement immatériels et littéralement téléchargés sur des databases et des serveurs géants, il y a 20 ans, c'était dément ! (et ça le reste un peu. On en est pas encore là).


Une œuvre brillante donc, mais aussi absconse, ce qui de mon point de vue, la limite à une trop petite audience, et c'est dommage, parce que vraiment, c'est plein, mais alors plein d'idées et de réflexions intéressantes.


J'aurai tellement aimé pouvoir savourer toute la substantifique moelle de cette œuvre, mais il me manquait trop de billes. Si tel n'est pas votre cas, lecteurs qui passez ici, sachez que je vous envie.

M_le_maudit
6
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le 3 août 2019

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