Oui, vous le connaissez déjà.
Oui, c'est un vampire multi-centenaire qui a perdu son humanité.
Oui, c'est une icône du genre vampirique et un des plus fameux monstres du cinéma.
Oui, les retournements de situation sont grillés à 10km à la ronde puisque de nos jours, tout le monde sait ce qu'est un vampire et quelles sont ses forces et ses faiblesses.
Oui, oui, oui, tout cela on le sait.
Mais qu'est ce qu'on en a à faire ?
Dracula, c'est l'histoire d'un combat.
Celui de 6 hommes et femmes contre un monstre, et au delà de ça, une authentique lutte entre le bien et le mal du style biblique.
Bien sur, dans ce roman, la symbolique religieuse fourmille, toutes les motivations des protagonistes gravitent autour de leur foi en Dieu, et le monstre est manichéen au possible.
Mais est-ce un problème ?
Déjà, le contexte et l’époque expliquent facilement ces détails, qui honnêtement ne gâchent en rien la lecture (sauf si vous êtes un athéiste hardcore, auquel cas laissez tomber). De plus, Stoker a eu l'intelligence, consciemment ou pas, de pousser ce manichéisme à fond plutôt que ne pas l'assumer.
En résultent des héros nobles, droits et justiciers, qui au nom de l'amour et de l'amitié sont près à tout pour venir en aide à leur prochain; ainsi qu'un Dracula vraiment méchant et pas gentil du tout. Quasi absent de tout le roman, derrière chaque événement, on sent l'ombre du vampire planer, la menace ne cesse jamais de grandir, la mort et la folie guettent à tous les coins de rue, et pendant une bonne partie de l'histoire, on sent presque notre méchant comme un monstre diabolique, omnipotent et invincible. Il y a un coté presque Lovecraftien avant l'heure dans cette démarche, et je ne serais pas étonné d'apprendre que ce bon vieux Howard a puisé son inspiration d'auteurs comme Bram Stoker pour créer sa cosmogonie des Grands Anciens.
L'autre intelligence de Bram aura été de situer une bonne partie de l'action dans le Londres moderne (enfin, aussi moderne que peut être le Londres de l'époque victorienne, s'entend). Comment, dés lors, un monstre qui a passé plusieurs siècles coupé du monde fait-il pour s'accoutumer à toutes les évolutions des technologies et des mœurs ? Comment vivre et se nourrir dans une ville de plusieurs milliers d'habitants sans attirer l'attention sur lui ? Les humains eux-mêmes, abreuvés de science et de nouvelles technologies peuvent-ils encore croire au surnaturel, aux monstres et à l'Enfer ?
Une question d'autant plus d'actualité aujourd'hui, où la science et la technologie en viennent à rendre les gens plus difficilement crédules et superstitieux.
Stoker était visionnaire, on peut le dire.
Ce roman est long, mais je ne me suis pas ennuyé une seule seconde, c'est un classique de la littérature fantastique, et c'est à lire absolument.