Elle avait les yeux verts est de ces romans intellectuels, magnifiquement bien écrit qui décrit les dérives des comportements humains, leurs sentiments, leurs pensées, leurs absurdités. C'est un thème courant, répétitif mais toujours nécessaire à ne jamais oublier l'horreur de la seconde guerre mondiale, celle ravageant des millions d'hommes, de femmes et d'enfants, causant un choc incommensurable à l'assemblée bipède mais ce livre dénonce également un autre point qui n'est pas si bien exploité. Après Seul dans Berlin ou encore Je n'ai pas pleuré, celui d'Arnost Lustig nous emmène dans un autre camp celui des filles de joie qui supportent tous les jours les allées et venues des soldats allemands. Il parle de corps volé, il parle de haine raciale, il parle d'une jeune fille martyr suppliciée dans ses yeux néanmoins brille la flamme de la résilience. On pourrait se plaindre, pleurer surtout dans les lignes de cette histoire, un espoir réside quand même jusqu'aux toutes dernières pages.

Au début de ma lecture, une pause dans Le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, j'ai cru que celui-ci serait un coup de coeur. Tout de suite j'ai accroché à la plume de l'auteur, une plume sans fioritures, une plume toutefois poétique, vivante, profonde. Le rythme du roman y est également très important, des phrases courtes s'enchaînent à des images métaphoriques (le loup y revient toujours, chacun l’interprète différemment mais j'y ai vu une figure de style que je ne saurais nommé, un procédé consistant à remplacer les hommes par des bêtes) ce qui reflètent la grandeur de ce livre. Le mot intellectuel ou philosophique me revient car il exploite un peu la même chose que dans Partages de Gwenaelle Aubry ; une vraie claque mentale où chaque mot, chaque question explosent dans notre cerveau. L'on vit avec Fine, on ressent le malheur, la douleur de toutes ses victimes. Ce roman ne fait pas raconter une histoire lorsqu'on gratte à la surface l'on découvre toute une palette d'éléments élégiaques. Ce n'est pas qu'un seul personnage qui danse entre les pages ; c'est l'humanité toute entière. Pourtant j'ai eu du mal à le terminer, peut-être car je reprends la lecture difficilement et qu'il me faut toujours un temps pour ingurgiter les proses proposées ou bien car ce dernier est tellement complexe que, je le confesse, certaines choses me sont inconnues.
Il est des livres qu'il faut relire plusieurs fois car l'on découvrira toujours quelque chose de différent il en est de même que celui d'Arnost Lustig ; ce mal-être, cette douleur au sortir de la guerre beaucoup de personne l'ont éprouvé, ont fait leur deuil, l'écrivain lui, comme Primo Levy a écrit pour raconter, pour se questionner mais aussi pour se libérer. J'en reviendrais toujours au même : la force de ce récit est comblé par son écriture, son rythme non pas par des scènes documentaires ni par la structure même bien que celle-ci mérite un peu d'attention : le talent dessine des événements se conjuguant entre passé et présent. Je me remémore une scène entre un nazi et notre héroïne où les mots se déploient difficilement dans le cocon horrifique d'une chambre vitrée, suintantes des décombres de cette période. Celle-ci m'a touché car Arnost, loin de diaboliser les allemands leur offre une humanité certes noire mais incroyablement étouffante ; je ne saurais mettre des mots sur les sentiments qui m'ont étreint lorsque mes lèvres se posaient sur l'oeuvre d'ailleurs j'ai un mal fou à terminer cette chronique comme j'ai eu du mal à terminer ce livre.
Je ne sais si j'aurai inculqué l'envie chez certains d'entre vous pour lire ce chef d'oeuvre, j'aimerai beaucoup vous dire ma passion également mon état assoupie signe que la Fine m'a passionnément touché, mélange d'Esmeralda et des victimes de l'humanité, c'est sa voix qui porte le coeur. Une ambiance douce-amère qui ne laissera jamais indifférent, embaumant les tréfonds de notre âme en une expérience douloureuse cependant nécessaire encore une fois à ne jamais oublier l'absurdité, l'affreuse guerre qui est selon moi encore très récente (même pas cent ans d'écart). Malheureusement je pense aussi qu'il faut attendre le bon âge tels les classiques que l'ont nous fait manger sur les bancs de l'école ceux-ci sont mal vus car redondant et il ne s'y passe rien. Ici, il faudra ouvrir l'esprit, les yeux et les réflexions. Prendre son temps.

Vagabonde_
5
Écrit par

Créée

le 3 avr. 2015

Critique lue 158 fois

1 j'aime

1 commentaire

Vagabonde_

Écrit par

Critique lue 158 fois

1
1

Du même critique

Brimstone
Vagabonde_
9

Au nom du père

Je rêvais de vous le présenter, hantée par cette idée de vous le partager ; Brimstone est un coup de foudre, un coup de poing dans l'estomac chavirant aux images beautés. Brimstone c'est un thriller...

le 17 avr. 2017

3 j'aime

Le Chant de la mer
Vagabonde_
9

Une poésie animée

Petite perle découverte par hasard, la surprise ainsi que la curiosité ont tôt fait de chavirer dans un océan de merveilles. Ce film d'animation regroupe les images en deux dimensions (ce qui me...

le 3 avr. 2015

3 j'aime

Corniche Kennedy
Vagabonde_
6

Epopée insouciante

Corniche Kennedy c'est une falaise au vent des libertés, au zéphyr des sensations juvéniles, à l'insouciance des actes et paroles crus, puissantes, divines ; Corniche Kennedy c'est un style haché,...

le 16 janv. 2017

2 j'aime

1