Si d'aventure un jour vous me demandiez quel est mon paléoartiste(*) préféré, il est probable qu'après la formule en vigueur "Difficile à dire, comme ça, difficile de choisir...", je finisse par évoquer le nom de Burian puis me laisse emporter dans une envolée passionnelle pour ses illustrations.


Zdeněk Burian est un homme qui mériterait amplement d'être cité dans les cours d'Histoire de l'Art, et ce n'est pas uniquement le dingue de sauriens qui vous donne cet avis, mais aussi un type qui au final aime bien passer du temps devant de jolies peintures.


Ce peintre a marqué son temps par une touche unique et un sens de l'image fascinant, composant ses univers antédiluviens sur un art du paysage et de l'organique trouvant leur parfaite alchimie dans ces terres fantasmées. Jamais l'idée d'atmosphère n'a été si prégnante dans cette branche artistique et c'est en partie ce qui fait des toiles de Burian des œuvres à part entière, dépassant de loin leur simple vocation scientifique pour trouver une place méritée parmi les plus grands.


On parle d'un homme qui peignait dans la première moitié du 20ème siècle. Un gars qui n'avait à sa disposition que des informations pour la plupart remises en question aujourd'hui. Le type nous montre des animaux ressemblant à d'énormes lézards apathiques, les longs cous (sauropodes) se traînant dans la boue et les prédateurs bipèdes (théropodes) marchant pesamment en se servant de leur queue comme trépied (comme le montre l'illustration de tyrannosaure qui orne ce livre). Le monde scientifique et le cercle des paléoartistes actuels auraient du, depuis longtemps, laisser ces œuvres de côté pour ouvrir la voie vers l'ère nouvelle : Des sauriens à sang chaud, ancêtres des oiseaux. Seulement voilà, la plupart des illustrateurs actuels se déclarent de l'héritage de Burian et le monde scientifique ne se sépare que rarement de ses images aux pieds des fossiles géants peuplant ses musées. Des images qui ne sont plus dans l'actualité scientifique mais définitivement indétrônables dans leur pouvoir évocateur de ces mondes oubliés.
Burian composait dans l'éternel, au delà de la simple illustration, à la jonction insaisissable entre le scientifique avéré et le chef d'orchestre d'un imaginaire collectif. Et c'est ce qui donne cette vie unique à la plupart de ses oeuvres.


Et je ne dis pas ça uniquement parce que j'ai grandi avec ce bouquin, parce que ses peintures m'ont fait rêver, qu'elles ont été utilisées comme matériaux illustratifs dans des films comme Le Monstre des temps perdus d'Eugène Lourié ou le Godzilla d'Ishiro Honda. Non. Les mondes de Burian sont des fenêtres à part, en parallèle du strict paléoart et les deux pattes dans la peinture classique, entre les fantasmagories de Jérôme Bosch et l'amour anatomique et expressif des chevaux de Géricault.


(*) le paléoart, au cas où, est un domaine artistique qui consiste à reconstituer les mondes préhistoriques à l'aide des fossiles et des théories en vogue pour en façonner une image à la fois probable et tangible. Les peintures de Burian et de Charles R. Knight (autre génie des fenêtres préhistoriques) et les dessins de Stout monopolisent une grande partie de mon affection. Pour le côté divertissement, on aura Mark Schultz, virtuose en son genre ou Ricardo Delgado. Pour le paléoart plus actuel et scientifique, Raul Martin reste l'un des plus illustres avec une multitude de peintures impressionnantes. La plupart du temps, ces types finissent par avouer une fascination pour Zdeněk Burian et pour son aîné américain Charles R. Knight.


[EDIT] Un mot sur le bouquin quand même, parce que je n'en parle au final presque pas ici. Ce n'est bien entendu pas un livre sur l'oeuvre de Burian mais un livre sur la préhistoire, sa faune et sa flore. J'aurais aimé écrire cette critique sur un recueil consacré aux toiles du peintre, mais je n'ai jamais eu la chance d'en croiser un. En tant que livre sur le monde préhistorique, on a là l'un des canons du genre, absolument excellent à tous points de vue... pour son année d'édition (qui commence à dater). Donc ce n'est pas l'ouvrage idéal pour qui voudrait s'informer de manière rigoureuse et approfondie sur les premiers grands jours de la vie terrestre. Par contre, il s'agit surement de l'un des bouquins français les plus fournis pour ce qui est des illustrations du maître en question ici, une galerie d'images qui n'aura de cesse de faire rêver aux quatre coins du globe, et rien que pour ça, il mérite largement les honneurs.

zombiraptor
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le 20 août 2014

Modifiée

le 21 août 2014

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zombiraptor

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