J'ai voulu un récit d'aventures ; j'ai vécu une expérience presque perverse

Ernetti... Tout un programme !

Le résumé du livre m'a fait entrevoir tout ce que j'avais envie de lire sur l'instant. Un récit d'aventures et un voyage dans le temps au coeur des grandes périodes de l'Histoire. L'Egypte des Pharaons, l'exode des hébreux, le règne du Roi Salomon... Et celui qui a décidé ce voyage n'est autre que le Pape Jean-Paul II qui convoquera les dignitaires des plus grandes religions pour prendre une décision qui engagera des millions d'âmes ! Miam !

Comment imaginer ce que j'allais vivre ?

L'Histoire contée de manière lapidaire, une écriture d'une platitude à pleurer et un sensationnalisme outrancier

Pour captiver son lectorat, l'auteur a fait le choix de diviser son histoire en courts chapitres nerveux. Tout l'accent est mis sur l'action et pour être certain d'avoir bien fait dans le trépidant, l'auteur multiplie les points de vue. Les atermoiements de Jean-Paul II et ses tentatives désespérées pour préserver la paix dans le monde, le projet touchant de Grégory Parker qui l'amènera pourtant à livrer son âme au diable, l'homme qui voulait faire tomber la papauté, les services secrets israëliens. De chapitre en chapitre, nous sommes transportés auprès d'un de ses protagonistes, puis un autre, puis encore un autre pour que le récit se déroule sous nos yeux avec une grande intensité.

Encore faut-il néanmoins avoir le talent littéraire qui va avec. L'auteur multiplie les chapitres courts, ce qui ne laisse pas franchement le temps pour décrire quoi que ce soit. De ce fait, il réussit un pur exploit ! Convoquer le Roi Salomon, la princesse Néfertiti, les 10 Commandements, ou encore la papauté de Jean-Paul II... c'est-à-dire tout ce qui a fait rêver des générations et des générations, ce qui demeure aujourd'hui de très grands symboles de l'Histoire... et de les torcher en quelques mots !

Aucune capacité à décrire la puissance mystique du Temple du Roi Salomon, l'atmosphère religieuse des cérémonies d'embaumement en Egypte Ancienne ou encore l'aura fantasmée des amours du Roi Salomon et de la Reine de Saba ! Aucun souffle, aucune profondeur. Comme s'il était blasé de tant de richesses de l'Histoire, le romancier les évoque à peine pour rester concentré sur son intrigue.

Ce qui m'a particulièrement énervé, c'est cette manie de terminer chaque chapitre en annonçant que le protagoniste fait une découverte incroyable, qui le stupéfie, le laisse bouche bée, à laquelle il ne s'attendait pas... Tous les poncifs du genre y passent ! Mais l'auteur n'a jamais appris que ça ne sert à rien de faire, ces annonces racoleuses? Plutôt que de se perdre en adjectifs tous plus sensationnalistes les uns que les autres, il suffit de faire vivre quelque chose de puissant à ces personnages et cela suffit pour créer le mystère !

L'impression désagréable de vivre une expérience malsaine imposée par le roman

Ce livre repose sur le parti pris de restituer l'Histoire de la manière la plus factuelle. Il n'y a pas de place ici pour la fantaisie, les rêves, l'imaginaire ou la spiritualité. Et somme toute, ce n'est pas ça qui choque.

Ce qui choque profondément, un peu comme dans de nombreux documentaires historiques d'aujourd'hui, c'est que ce livre présente l'Histoire de la manière la plus refroidie possible. Ca en devient caricatural car il s'est question de voyage dans le temps dans ce roman, ce n'est pas pour aller vivre au temps des Egyptiens, non non non! C'est plutôt pour allumer une espèce de super-ordinateur qui permet de visionner de très haut, comme à bord d'un avion ou d'un drône, à des cérémonies qui se sont déroulées il y a des siècles.

Il n'est pas suffisant de ramener les grandes histoires d'Amours de l'histoire à des affaires de coucherie ou d'expliquer que les religions sont des créations politiques.

L'Histoire a aussi été portée par la ferveur des foules, par des délires d'imagination, des envies d'y croire qui ont soulevé les foules au point de les pousser à agir. En ce sens, il est important de savoir fournir un propos froid et avec du recul sur les faits de l'Histoire et de donner les vraies motivations aux choses. Mais on ne peut pas faire l'impasse sur ce qui fait croire et ce qui fait rêver et se prétendre romancier historique, historien ou quoique ce soit.

C'était minable de faire survoler l'époque du Roi Salomon mais de ne même pas être capable de décrire et restituer la grandeur d'un Roi. Minable de réduire l'époque du roi Akhenaton à une simple invention faussement religieuse pour prendre le pouvoir sans parler avec intensité et délicatesse de la ferveur blessée des croyants polythéistes, de la ferveur nouvelle des monothéistes.

Bref, raconter l'Histoire, ce n'est pas retenir ce qu'on en a envie et se dire que le reste, parce que c'est du délire imaginaire ou de la croyance spirituelle, ça n'a aucun intérêt. Et pourtant, c'est ce que fait cet ouvrage.

Partant de là, je me suis perdu dans une sorte de délire vertigineux. Un peu comme une sorte de pachyderme qui trouverait que mieux étudier et décrire l'herbe d'un pré, c'est mieux de l'écraser, massacrer chaque brin d'herbe et les coucher... Et ici, on ne manque pas d'imposer des vérités uniques partout. Chaque référence spécifique à un fait de l'histoire est donc l'occasion d'une évocation (bien sûr lapidaire puisque dans ce livre ne reflète aucune capacité littéraire à traiter un sujet avec un peu de profondeur) et d'en profiter pour cracher violemment ce qui est sa vérité. Le mystère de l'ouverture du tombeau de Toutankhamon en prend bien sûr pour son grade. Aucun respect pour la ferveur imaginative que les articles de presse de l'époque ont pu susciter, les envies de croire à une puissance gigantesque venue des temps anciens ; pas un mot pour douter du côté totalement rationnel et se demander s'il n'y a pas un fond de vrai. On ne peut pas écrire un roman sur ce genre de sujet et négliger ainsi une partie de tout ce qui lui a donné tant de vigueur à travers les âges.

Ca ne voulait pas dire tout axer sur une malédiction venue des temps anciens pour expliquer la mort des membres de l'expédition Carter ni sombrer dans l'esotérisme. Mais ça ne voulait pas dire faire l'impasse sur ça non plus.

D'une impression malsaine à une certitude de descente dans la perversité

J'ai lu le livre jusqu'au bout parce que tout de même, le matériau était bon. Le scénario est là, il est bien déroulé et les grandes époques font rêver. Mais plus j'ai avancé, plus cela a fait mal.

Parce que si j'ai senti un vrai mépris de l'Histoire pour imposer son unique vérité, les personnageseux-mêmes sont malmenés et placés au désespoir. Dans ce roman où il est question de découvrir des secrets qui bouleverseront les fondements mêmes des grandes religions, il était possible de faire un récit puissant mais délicat qui permette aux évêques, par exemple, de découvrir petit à petit la vérité et pourquoi le récit Biblique d'un peuple Juif venu en Israël ou de l'Exode n'est peut-être pas complètement la vérité.

Mais là encore, point du tout ! Le roman prend un plaisir malsain à pousser les protagonistes à faire des découvertes brutales, qui malmènent toutes leurs certitudes. Et là, on n'est pas avare en détail ! On ressent bien le malaise ressenti par les figures spirituelles du livre lorsque leurs convictions s'effondrent et que leur foi s'ébranle. Jusqu'au dénouement où le manque de respect complet de l'auteur le pousse à faire douter tous ceux qui ont des croyances.

La puissance des grands romans d'aventures ou d'histoire consiste à faire coexister des points de vue rationnels avec des points de vue plus fantasmés, croyants ou imaginaires. Et c'est tout ça qui donne la puissance d'un récit. On peut parfaitement privilégier un point de vue le plus rationnel, le plus athée possible mais le tout est de ne pas l'imposer comme une vérité. De cette manière, tout le monde s'y retrouve, quelle que soit ses références culturelles, ses convictions et sa manière de voir la vie et c'est le but d'un livre.

J'ai eu ici au contraire l'impression d'une vraie quête perverse pour faire disparaître tout ce qui fait rêver, croire, ou espérer (les personnages religieux finissent d'ailleurs en grande partie désespérée) pour présenter une vision assez tordue de l'Histoire qui se contente de regarder tout de loin. Je l'ai ressenti comme ça et c'est pour ça que la lecture m'a été assez douloureuse.

Et avec un talent des plus précaires. L'auteur n'était-il même pas capable de décrire avec un peu de force la maladie croissante de la Reine Nefertiti? Même ça, c'est trop demander ?

Le récit se termine comme il a commencé. Les grands faits de l'Histoire, les grandes religions se retrouvent ravalées au rang de manipulations politiques dont les uns et les autres s'inspirent. Et cette envie de refroidir complètement l'Histoire et la réduire à cela se retrouve jusque dans la conclusion où, jamais en peine de sadisme, s'empare d'un fait chargé en émotions, la tentative d'assassinat du pape Jean-Paul II, pour l'embarquer cet évènement dans le propos du livre.

Quel plaisir, quelle fierté peut-on ressentir à écrire un livre pareil? A passer à côté de son sujet à ce point? Quelle jouissance tire-t-on à faire souffrir ses personnages? Je dois dire que je n'ai pas la réponse.

Sur une note finale positive, l'Histoire garde sa puissance malgré ceux qui veulent la salir

Le seul point positif de ce livre aura été de convoquer l'Histoire la plus puissante en symboles, en mystères et en émotions. Elle aura attiré mon attention sur ces périodes fortes et donné l'envie d'en lire plus. Des lectures un peu meilleures, si possible...