Semprun, toujours fidèle à lui-même, fait ici ce qu'il a toujours fait : s'inspirer de sa propre expérience, écrire des ouvrages autobiographiques, au fil de ses pensées, d'une thématique plus ou moins dessinée. Il transforme l'histoire, l'expérience vécue, en élément romanesque, avec un talent sans faille, avec une prose superbe, avec un sens de l'agencement et de la clarté incroyables.

Dans Exercices de survie, Semprun se proposait de reprendre ces mêmes thèmes autobiographiques, mais "plus systématiquement" ; de dresser une sorte d'ouvrage en plusieurs parties, conçu comme une suite musicale, se groupant autour de divers thèmes dont le premier serait celui de sa jeunesse et de son vécu de la Résistance, symbolisé, polarisé par l'expérience singulière de la torture.
La mort intervint en 2011 pour couper court à ces exercices de survie dont seul le premier tome était entamé et rédigé, et que l'on nous publie aujourd'hui sous le titre qui était celui de l'ensemble projeté.

L'inachèvement empêche le texte de prendre son plein envol, ne lui laisse que le temps, en une grande centaine de pages, de débroussailler quelques thèmes, en laissant sur les dernières lignes un net sentiment d'inachevé. Pourtant, cela ne limite en rien les qualités internes de ce qui a été écrit ; de ces histoires de Gestapo, de torture, d'expérience de son corps comme entité autonome de l'âme que l'on tente de se forger, de Federico Sanchez, de la clandestinité comparée sous Franco et dans la France occupée, de cet homme "dans la fleur de l'âge" qui lui adresse un jour la parole dans un bus de la ligne 63 à Paris et qui lui fait se dire, au terme d'une brève mais sincère conversation, que peut-être toutes ses luttes de vieux militant communiste d'un autre monde n'ont pas tout à fait été inutiles.

Inachevé, incomplet, cet ouvrage ne peut en tout état de cause devenir un des grands textes de Semprun. On n'en a ici qu'un bref aperçu, un arrêt sur images, un détail ; mais ce détail est un détail de maître, et il représente une lecture à la fois signifiante et belle. Comme une petite enluminure ouvragée tirée d'un manuscrit aujourd'hui disparu, que l'on poserait en regard de tableaux de maîtres.
Kabouka
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le 13 déc. 2014

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