AMERTUME ET FRUSTRATION : Le complexe Houellebecqien

Le cas Houellebecq ! Sur, il ne laisse pas indifférent et d’ailleurs rien n’est pire que l’indifférence. Il est si bon d’être détesté d’autant plus que ceux qui ne vous aiment pas sont tristes et vides, incapables de discernement ou d’intelligence encore moins d’intuition. Pourquoi Michel serait-il sympa, on sent qu’il a tellement morflé ! Il n’a pas envie d’être gentil de faire de beaux romans tranquilles en magnifiant les hommes et les femmes. Alors il rentre dedans avec des phrases longues et tranchantes, des provocs limites et des descriptions tristes et mornes. Il présente une vision du Monde sale, grise, écœurante jusqu’à la nausée. Ses raisonnements, ses analyses sont toujours bien étayés et on le rejoindra souvent sur bien des points lorsqu’il critique ou dépeint notre société. Ceux qui ne voient en lui qu’un pervers ne regardent pas bien autour d’eux, évaluent mal la perversité de leur environnement sont trop béats ou trop superficiels pour se rendre compte. Evidemment pas la peine de s’attarder très longtemps sur ses talents artistiques et sa puissance de travail qui sont immenses. En revanche il faut chercher à quoi il carbure, certainement pas à l’alcool encore moins à la clope (8000 par an c’est quand même beaucoup...trop !). Non le bonhomme depuis toujours et particulièrement à son adolescence a subi la frustration et puis bien avant l’âge des désillusions et du renoncement son sang s’est vicié d’amertume. A cela s’ajoute la détestation du père qu’il rejette dans son recueil de poèmes « à la poursuite du bonheur ». Rien ne trouve grâce à ses yeux pas même la nature qu’il dit exécrer.


Frustration et amertume voilà donc les deux moteurs très puissants du hors bord littéraire Michel Houellebecq.


Cela est nettement perceptible dans ce book où il est double.
Le premier héros ou devrait-on dire LE héros est un informaticien, c’est le Michel détaché, son « moi » profond, celui qui regarde les autres de loin les analysant avec un humour méchant, les disséquant avec sa plume acerbe. Il est sur un nuage, intouchable et omniscient mais cependant neurasthénique et toujours en limite de suicide (avec cette trouille viscérale du 31/12), en un mot malheureux. Il est le symbole de l’amertume.
Le second héros est un peu comme un ami (Michel n’a pas d’amis) et il est laid, en état de déréliction. C’est le Michel gentil celui si affreux...Il rebute les femmes et ne réussit pas à coucher avec elles ! Pour lui pas d'amour. Il est le symbole même de la frustration.


Dixit notre auteur adulé le libéralisme sexuel est un ennemi du moche, du laid, L’affreux ne baise pas et les filles rient de ses oreilles en chou fleur. Toutefois par d’autres qualités il échappe (un écrivain par exemple) à la pauvreté et se trouve haut placé au niveau économique. Ainsi grâce à l’argent durement gagné sur le dos de la société consumériste les héros de Michel partent en Thaïlande pour se faire masser, pour baiser enfin (mais sans amour) ou alors se payent des Escorts voire des putes dans les périodes de disette, éventuellement des moldaves…pourquoi pas. Enfin pour oublier qu’ils n’intéresseront jamais une femme, la femme dont ils rêvent et qui ne veut pas d’eux, eux les laissés pour compte du libéralisme sexuel, ils se branlent mais ne sont pas soulagés pour autant. Quand aux femmes elles paraissent moins écornées (quoique) que les hommes surement par méconnaissance de la psyché féminine.


Tout au long de ses romans Michel cherche et trouve parfois l’idéal féminin, l’amour. Un amour au long terme empreint de pureté, celui que partagent deux personnes très proches. Un amour si fort qu’il les voit communiquer par la pensée (in Sérotonine). Voilà la quête qu’il a toujours poursuivi mais qu’aucun de ses héros n’atteindra jamais dans aucun de ses livres.
On peut le dénigrer tant et plus mais on ne peut nier que Michel se targue d’une prescience et d’un talent artistique littéraire hors normes. Tout cela lui confère finalement une grande beauté.


L'insuccès sexuel, Raphaël, que tu as connu depuis ton adolescence, la frustration qui te poursuit depuis l'âge de treize ans laisseront en toi une trace ineffaçable. À supposer même que tu puisses dorénavant avoir des femmes – ce que, très franchement, je ne crois pas – cela ne suffira pas; plus rien ne suffira jamais. Tu resteras toujours orphelin de ces amours adolescentes que tu n'as pas connues. En toi, la blessure est déjà douloureuse; elle le deviendra de plus en plus. Une amertume atroce, sans rémission, finira par emplir ton cœur. Il n'y aura pour toi ni rédemption, ni délivrance. C'est ainsi.


La boucle est-elle bouclée ? Extension 1994 et Sérotonine 2019 se ressemblent beaucoup. On peut dire que MH n'a pas avancé d'un cm malgré les psys (Népote in Extension / Azote in Sérotonine) qui s'occupent de lui. Son désarroi est toujours là décliné encore et encore comme un poison qui l'infecte depuis toujours et dont on peut penser qu'il n'arrivera jamais à se défaire.

SombreLune
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le 17 mars 2020

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