La passion du vide
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Première partie.
Le narrateur travaille à la COMATEC, une entreprise de logiciel installée dans Paris qui vient de passer un contrat avec le Ministère de l'Agriculture. Notre héros a eu une rupture 2 ans plus tôt, va aux soirées déprimantes de trentenaires, garde un regard désabusé sur le vide de sa vie et de celle de ses collègues, camoufle la pert de ses clés de voiture en vol pour conserver son statut social, reçoit la mission d'assurer des formations au nouveau logiciel dans différents services en province, recroise un ami devenu prêtre à Vitry.
Deuxième partie.
Départ pour Rouen avec Raphaël Tisserand, un cadre laid comme un poux, qui essaie de draguer de manière de plus en plus désespéré. Peu après la formation, le narrateur est victime d'une péricardite. Après quelques jours de congé, il repart pour La Roche-sur-Yon, fait une virée jusqu'aux Sables d'Olonne. Pour éviter de passer le 24 décembre seul, il propose à Tisserand de sortir en boîte dans une discothèque miteuse qu'il y a repérée. Tisserand fait tapisserie, lui tombe sur une jeunette qui ressemble à son ex, Véronique, et manipule Tisserand pour le pousser à l'assassiner alors qu'elle baise sur la plage avec un métis. Tisserand préfère se masturber, rentre sur Paris en catastrophe et meurt contre un poids-lourd.
Troisième partie.
Dépression du narrateur, avec des accès de violence irraisonnés (lance une boîte de petit pois contre son miroir), puis deux scènes au bureau. Ayant consulté un psychiatre, il accepte finalement d'aller en maison de repos à Rueil-Malmaison, prend des médocs. Il a des réflexions sur les deux moteurs du monde, qui déterminent les hiérarchies sociales : l'argent/Mars et le sexe/Vénus. Sorti, après avoir été licencié, il part faire du vélo en Ardèche, vers Saint-Cirgues-en-Montagne, mais cette mise au vert ne lui apporte pas la sérénité escomptée : au contraire, son angoisse se renforce.
Houellebecq, c'est du roman de gare. C'est vite lu, facile à comprendre. Il y a parfois des excursus qui montrent une certaine culture littéraire (ici Maupassant), qui au passage me semble moyennement crédible parmi les préoccupations d'un informaticien trentenaire.
Il y a toujours des passages qui font "inséré de force", comme ces "fictions animalières" que rédige le héros et qui sont autant d'excursus sur la société bourrés de digressions.
Il y a toujours ce regard désabusé, qui met les gens dans des cases, sans que l'on sache toujours si c'est le regard du narrateur qui déforme la réalité, ou si c'est vraiment la manière dont l'auteur voit le monde (c'est à cette seule ambiguité que Houellebecq doit son succès).
Il y a ces passages plutôt rances où, me semble-t-il, l'auteur distille sa répugnance vis-à-vis des immigrés et des mouvements étudiants, en se cachant mal derrière ses personnages, sans doute par goût de la provocation à deux francs.
Il y a ces morceaux de bravoure, pour décrire des paysages urbains, des petites notations psychologiques qui font qu'on se dit que si Houellebecq était capable de proposer autre chose au niveau du fond que ce sempiternel regard stérile de misanthrope détaché semi-dépressif, il serait un bon auteur.
Ce que j'ai le plus apprécié, c'est cette dénégation au début du roman : "Mon propos n'est pas de vous enchanter par de subtiles notations psychologiques. Je n'ambitionne pas de vous arracher des applaudissements par ma finesse et mon humour [...]. Pour atteindre le but, autrement philosophique, que je me propose, il me faudra au contraire élaguer. Simplifier. Détruire un par un une foule de détails." Imposture qui m'a fait sourire, et que je trouve très littéraire.
Ha, et pour une fois, il n'y a pas de scène de cul décrite de manière clinique et stérile.
Ce livre n'est pas un état des lieux de la France en 1990, même si on trouvera du charme à entendre parler de "Sacrée Soirée" ou du minitel. C'est un long monologue, qui prend parfois les accents de la diatribe, parfois ceux de la confession que l'on fait à un psy.
ça ne changera pas votre vie. ça l'occupera le temps d'un Paris-Marseille.
Créée
le 31 mai 2015
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