À partir d’un chariot tracté par des bœufs qui avance dans l’immensité de la plaine, puis d’une galerie de personnages, hommes et femmes, plus vivants que nature, Céline Minard construit un roman palpitant, successivement rapide comme une balle et puis lent comme l’avancée des bœufs, mais porté par un souffle continu. La nature sauvage, les coyotes, bisons, faucons pèlerins et hordes de chevaux, des héros qui ont le colt à portée de la main, le saloon et ses prostituées, les premiers immigrants chinois blanchisseurs de linge, poursuites et vengeances, le courage, et l’homme qui sans cesse manque d’être flingué, tous les ingrédients des meilleurs westerns sont dans ce récit.

«Ils roulèrent dans la poussière chacun de leur côté pour garder une distance d’attaque praticable. Ils se relevèrent en même temps. Et se tinrent face à face, à dix pas l’un de l’autre, à saigner silencieusement. Ils soufflaient. Zébulon, à nouveau, avait les bras légèrement écartés du corps. Ils prirent conscience ensemble du fait que lui n’était pas désarmé. Et c’est à cet instant que Bird prouva aux yeux de Zeb que le cheval lui appartenait. Parce qu’il ne se détourna pas, parce qu’il ne jeta même pas un regard à son arme appuyée contre l’auvent du saloon, parce qu’il se prépara à recevoir trois grammes d’acier dans le cœur pour avoir voulu récupérer un cheval qu’on lui avait volé et parce que cela n’était qu’une injustice parmi d’autres qu’il avait connues. Vraisemblablement la dernière ce qui était un soulagement.»

Autour du saloon tenu d’une main de fer par Sally se rejoignent des pionniers pères et fils, des hommes qui se volent successivement le même cheval, un cowboy qui rêve de monter un établissement de bains de luxe, Quibble et ses acolytes, la bande des vrais méchants, Eau-qui-court-sur-la-plaine la grande chamane indienne et Dakota l’habile chef indien, tous ces hommes qui avancent à coup de péripéties, en frôlant la mort, pour construire une communauté et un nouveau monde.

Et les personnages, en particulier les pionniers blancs, montrent aussi leur envers, pas uniquement la dureté de leur cuir, mais aussi leur conscience, leur humour et leurs émotions ; et quand par moments, comme dans la scène de fusillade finale, au sommet de l’intensité, le mouvement ralentit, on se sent immergé dans le grand Ouest pionnier avec une acuité décuplée.

«Mais, par-dessus tout, sauf pour ceux qui s’étaient faits coureurs et trappeurs, ce que les Blancs redoutaient tous ensemble, c’était le souffle de la vie sauvage, crue, impitoyable, désentravée. Ils la désiraient autant qu’ils la détestaient.»
MarianneL
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le 16 oct. 2013

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