Pourquoi j'ai aimé la fin alors que d'habitude je prends ça pour de la facilité scénaristique

Harry se fait attaquer à la fin par une horde de détraqueurs, les bestioles qui incarnent ses pires cauchemars. Malgré son entraînement il ne peut pas les repousser, les monstres le submergent avec ses angoisses d'adolescent et il ne va pas tarder à trépasser. Quand soudain, un Deus Ex Machina sauvage apparaît : Quelqu'un réussit à lancer le sort qui fait fuir les détraqueurs et à sauver Harry. Qui a fait ça ? Harry a mal vu mais il pense qu'il s'agit de son père, ce qui est absurde vu qu'il est mort.

Puis Harry va voyager dans le passé, assister à nouveau à l'attaque des détraqueurs sur sa personne et attendre l'arrivée de cet inconnu, afin de pouvoir le rencontrer et voir s'il s'agit bien de son père. Il voit son double du passé qui souffre, il voit les détraqueurs qui aspirent son âme en se servant de ses peurs comme d'une arme. Mais il se dit "Ce n'est pas grave, mon père va arriver et il va me sauver". Quels que soient les dangers que cet ado encourt, il y aura toujours quelqu'un pour le sortir de là n'est-ce pas ? Après tout c'était bien le cas dans les opus précédents (la bénédiction de sa mère, le phœnix ...). Mais cette fois personne ne vient. Harry hésite, il se dit qu'il y a bien quelqu'un qui va apparaître. Son double continue de souffrir, il est au bord de la mort. Alors Harry arrête d'attendre le Père Noël, il se prend en main et il se sauve lui même. Ce n'est plus un enfant, cette fois il s'en sort tout seul. Et s'il se débarrasse des détraqueurs alors qu'il n'y arrivait pas avant, c'est parce que cette fois il a pris du recul. Il ne subit pas l'attaque, il la voit d'un point de vue extérieur et peut ainsi affronter ses démons. Il quitte l'enfance pour atterrir dans l'adolescence où l'on se prend en main.

Je trouve cette scène belle alors qu'elle utilise un ressort scénaristique que je trouve habituellement insupportable : le héros survit parce que son double vient le sauver depuis le futur et que le temps a un système cyclique qui est drôlement pratique en tant que Deus Ex Machina. Du coup, pourquoi est-ce qu'il y a encore des gens qui se font assassiner ? Pourquoi est-ce que leur double du futur ne vient pas les sauver ? Parce que ce n'est pas dans le script. Ce système temporel est une usine à facilités scénaristiques grossières, un bel exemple se trouvant dans la BD Universal War One (qui reste recommandable malgré tout).

Je hais ce système, il est donc d'autant plus étonnant de constater que J.K. Rowlings ait su l'utiliser aussi bien. Elle n'assume que moyennement son artifice puisque plus personne n'utilisera le voyage dans le temps dans la suite, alors que ce serait bien pratique par moments. Mais pour cette scène, le voyage dans le temps n'est pas utilisé juste pour un Deus Ex Machina du pauvre. Il est utilisé pour faire grandir Harry d'une manière que j'ai trouvé vraiment magnifique. C'est tellement rare de voir le voyage dans le temps qui soit exploité pour autre chose qu'un simple appel du pied aux geeks en mal de paradoxes temporels, je dis bravo à J.K Rowlings.