Le monde a souffert. La Panique, une catastrophe majeure, a anéanti toute civilisation. Les survivants sont de retour à une vie proche de ce qu'il reste de nature et sont sujets à des superstitions moyenâgeuses. Il a fallu tout reconstruire, et cela s'est fait bon an mal an: toute technologie est associée à la panique, et son usage est sévèrement puni. Les arbres sont devenus sacrés. Il ne fait pas bon être vieux dorénavant, car né avant l'apocalypse on est perçu comme en étant responsable: on fait partie de ceux qui ont mené l'humanité à sa perte, ou presque. Aussi, lorsque Jason Marieke arrive à Rouperroux, un hameau français habité par une communauté d'enfants, il est accueilli on ne peut plus froidement. Jason est vieux, américain et conteur. Il n'a avec lui qu'un ballon de basket et ses quelques affaires. La communauté est sur le point de voler en éclats, et c'est ce que va montrer le récit...
Quelle horreur ! Encore un post-apo' à tendance écolo ! Un genre qui commence à friser la sur-exploitation et qui produit malheureusement des mètres cubes d'ouvrages tout juste bons pour le pilon ! Bouh, les vilaines technologies qui nous mènent indéniablement à notre perte ! Bouh, cette sur-enchère scientifique permanente ! Bouh ! < soupir > Je ne sais pas ce qui est plus crétin: la critique à l'emporte pièce d'un type de récit ou décrire au mètre des apocalypses écologiques... Donc au risque de décevoir, ce n'est pas la problématique que traite Loïc Le Borgne dans son ouvrage. Ici le contexte post-apocalyptique ne sert que de décor. La problématique traitée est celle de la liberté de pensée et l'auto-critique.
En effet, si le protagoniste dérange autant la communauté, ce n'est pas tant parce qu'il cristallise une haine des générations passées que parce qu'il apporte (et symbolise) une connaissance disparue qui met bien à mal l'obscurantisme devenu de mise et qui enferme la pensée des habitants du village. L'auteur montre qu'une société refermée sur elle-même n'a pas beaucoup d'autres alternatives que l'auto-destruction. Il ne s'agit même pas pour le roman de mettre en évidence la nécessité de placer un curseur. Juste de montrer que l'obscurantisme ne fonctionne pas. Point.
D'ailleurs, c'est par la culture que Jason Marieke chamboule petit à petit tout cet univers, citant fréquemment des sources anonymes pré-panique... qu'un lecteur averti parviendra vite à identifier: Bob Dylan, Jim Morrison, Jacques Brel, Arthur Rimbaud, Jimi Hendrix, ... Le récit est entre-coupé de ces moments lyriques, voire poétiques. Cela peut agacer, mais apporte tout de même une certaine fraicheur à l'ensemble et est exécuté de façon réussie. Je signale que l'auteur a gracieusement mis à disposition sur le blog de son éditeur l'ensemble des sources utilisées par le conteur, Les Carnets du KO. Une initiative tout à fait sympathique que je salue (voir la page du roman sur le site de l'éditeur pour tous les pointeurs)
Alors effectivement, le roman n'est pas un tournant majeur dans le genre du post-apo', mais il n'en demeure pas moins plaisant, et ce malgré un scénario parfois un peu léger, des ficelles un peu grosses et un manichéisme un peu extrême. L'ambiance dépeinte est réussie et en acceptant que le récit ne va pas servir de support à une réflexion philosophique poussée (comme cela peut parfois être le cas avec certains auteurs, avec plus ou moins de bonheur d'ailleurs), on se laisse emporter. Et tout se met à fonctionner.
matteo
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le 26 nov. 2014

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