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Après un siècle de luttes intestines, l'avènement au pouvoir des Tokugawa initie au Japon la longue période de paix intérieure dite d'Edo (1603-1867). L'exercice du shôgunat est marqué par la floraison des centres urbains et des activités marchandes ou de distraction qui s'y développent. Les images du monde flottant se rattachent donc à une nouvelle culture, dynamique, joviale et débordante de vie, portée par la bourgeoisie. Une culture qui relègue et ridiculise volontiers les vertus mortifères incarnées par la classe des guerriers. Si les privilèges de ces derniers persistent, la paix les rend inutile et l'essor du marchand signifie le déclin inexorable du samouraï. Adepte de Mishima, bande tes yeux : tu ne saurais souffrir de telles images. Mais toi, lecteur de Tanizaki, entre sans crainte dans son quartier de joie et adonne-toi aux plaisirs de la Maison. Protégé dans un cocon de soie des vils Européens, le Japon de l'ère Tokugawa exprime la quintessence de sa sensualité. La condamnation des mœurs par l'étranger n'aura lieu qu'à l'ouverture du Japon sur le reste du monde à l'ère Meiji. Pour l'heure, seuls parviennent au Japon un peu d'exotisme (l'art européen) et des techniques nouvelles, notamment la perspective inventée par les maîtres de la Renaissance. C'est un véritable bouillonnement de vie, de formes, de couleurs. Les robes des courtisanes se mêlent aux senteurs des pins centenaires, les danseuses et les musiciennes au bord de l'eau ravissent les sens du spectateur. Le chatoiement vespéral des couleurs donne à la folie des quartiers animées une dimension fantastique. Comme jadis au Globe Theatre, les acteurs de Kabuki - le théâtre populaire par excellence - se travestissent en intrigantes et déchaînent rires et passions. Et comme la gestuelle infiniment travaillée des dames maniant l'éventail, serties de robes somptueuses que l'on croirait en pétales de cerisier, obéit à des codes de représentation qui échappent à l’œil grossier de l'occidental, les commentaires des auteurs sont une aide précieuse pour les décrypter. La scénographie particulièrement travaillée des Ukiyo-e répond à des impératifs narratifs. Là aussi, elle est rendue sensible par l’exégèse. Certaines œuvres parmi les plus ambitieuses, finement décorées à la feuille d'or, évoquent ou anticipent les toiles de Gustav Klimt tandis qu'une simple ombre sur les plus modestes suffit à l'enchantement. Un chef-d’œuvre de poésie.

Aragne-souriante
9

Créée

le 4 mars 2023

Critique lue 17 fois

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