Immortelle Randonnée, c'est d'abord, vous l'avez surement remarqué, un beau livre rouge. Un rouge que certains connaisseurs auront reconnu : celui des Éditions Guérin. Une collection magique, encore familiale, qui propose des Histoires d'Hommes et de montagnes, de conquêtes, d'exploits, des tragédies... Bref, une collection que j'affectionne particulièrement. C'est pourquoi quand Rufin (médecin, ex-ambassadeur, prix Goncourt, membre de l'Académie Française...) - qui m'a conquise avec Rouge Brésil, Globalia, Le Grand Cœur - publie chez Guérin, a priori ça part très bien!

"En partant pour Compostelle, je ne cherchais rien et je l'ai trouvé".


Jean-Christophe Rufin décide, pour 1 000 raisons, d'aller faire, seul, le Chemin de Compostelle, par le "Chemin Nord" (moins fréquenté - on comprend très vite qu'il veut éviter le Randonneur). Il n'attend rien de cette aventure et de ces 800 kms à parcourir. Il l'espère initiatique (et elle le sera).

Peu habitué aux conditions spartiates, il décide de prendre tente et matériel de camping de peur de ne pas supporter la promiscuité avec les autres dans les auberges. Il n'est pas non plus un habitué de la marche et on le comprend très vite. Il se plaint beaucoup de petits bobos tout à fait insignifiants et normaux pour des marcheurs entrainés. Il ne sait pas non plus que l'hygiène en randonnée, cela s'apprend : "Si délicat et policé que l'on parte, on ne tarde guère, sous l'effet du Chemin, à perdre sa pudeur, en même temps que sa dignité. Sans devenir tout à fait une bête, on n'est déjà plus complètement un homme. Cela pourrait être la définition du pèlerin." C'est faux bien sur... Mais on ne lui en veux pas. C'est pas facile de quitter les affres de l'Académie Française et le lustre des ambassades. Sa naïveté fait sourire... Mais c'est si bien écrit qu'on lui pardonne.

Puis, au fil des kilomètres avalés, il déteste de moins en moins le Chemin, commence à comprendre ce qu'aime le randonneur, l'intérêt de l'effort. Son physique s'adapte et ses yeux apprécient le décor.

"Minuscule dans l’immensité du Chemin, je n’étais ni moi-même ni un autre, mais seulement une machine à avancer, la plus simple qui se pût concevoir et dont la fin ultime autant que l’existence éphémère consistaient à mettre un pied devant l’autre".

C'est exactement ça ! L'édition Guérin se justifierait-elle enfin ?

"Reste que, par le détour du corps et de la privation, l’esprit perd de sa sécheresse et oublie le désespoir où l’avait plongé l’absolue domination du matériel sur le spirituel, de la science sur la croyance, de la longévité sur l’éternité de l’au-delà."

C'est avec beaucoup de finesse et d'esprit qu'il raconte ces semaines qui l'ont un peu transformées contre toute attente. L'homme parti d'Hendaye n'est pas celui qui arrive à Saint Jacques : " Ce n'est sans doute pas un hasard si, en rentrant, j'ai écrit l'histoire de Jacques Cœur. Sa maison natale est située sur un des chemins de Santiago et il a passé sa vie à voir défilé des Jacquets. "

En conclusion, une histoire légère (loin des habituelles parutions des Éditions Guérins) mais racontée avec une superbe plume et un humour et une naïveté que je n'avais pas imaginés. Je préfère quand même quand Rufin est romancier et quand les Éditions Guérin propose des récits de montagnes. Mais la notoriété de l'auteur aura eu l'avantage de mettre en avant cette belle maison.
annablume
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le 26 déc. 2013

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