Inferno
6.7
Inferno

livre de Dan Brown ()

Dan Brown semble un adepte des complots religieux et scientifiques, surtout religieux.
Dans Inferno, fini les Illuminati, les Franc-maçons, les membres de l'Opus dei, du prieuré de Sion ou de la secte des Assassins! Fini les sombres complots de l'Eglise ou contre l'Eglise! Ici, c'est la science et ses limites morales qui sont en cause!
Un grand bol d'air frais mais qui peut ne pas être du goût de tous, Brown comptant plus d'adeptes du Da Vinci code que de Forteresse digitale.
La question est donc: préférez-vous l'ésotérique ou la science-fiction?


Vaste question à laquelle l'auteur lui-même ne saurait répondre. Pour preuve, son choix de mettre son ouvrage sous le patronat de L'Enfer et de la Divine Comédie, plongeant sans arrêt son texte dans un champ lexical à double sens religieux.
Et la réponse à cette question semble être: "je suis au-dessus de la religion et de la science-fiction mais je m'intéresse au deux. Je suis un littéraire" car l'ouvrage est surtout sous l'égide de Dante Alighieri. Dante Alighieri qui devient la figure omniprésente et permet le rapprochement de la ville de Florence avec le paysage infernal dantesque dans une visite de type littéraire et touristique qui permet d'évoquer ce que l'art sculptural et pictural a pu en retenir. Dante Alighieri qui devient surtout la source d'inspiration des artistes, des chercheurs, de l'Eglise et des scientifiques, faisant le lien entre l'atmosphère volontairement ésotérique et le fond pourtant plus tourné vers la bactériologie et la génétique.
Dante est la réponse à tout. Ce livre est en fait un Dante Alighieri code.


Car tous les éléments du Da Vinci code sont là, y compris une révélation finale qui doit changer notre perception des choses; en l'occurence, notre vision du Bien et du Mal en terme de déontologie scientifique.
Il s'agit d'une double interrogation sur l'influence: l'influence de la science sur le monde et son avenir; l'influence de l'art, en particulier littéraire, sur les êtres.
En terme littéraire, il s'agit d'un des romans de ces dernières années à réécrire pour ainsi dire l'Enfer de Dante. Tout comme le Puzzle de F.Thiliez, le roman de Brown interroge fiabilité des êtres, mensonge, réalité, souvenir, culpabilité et morale. Il est donc également intéressant de lire l'oeuvre américaine et l'oeuvre française en parallèle pour y voir un admirable hommage à Dante et une affirmation de son pouvoir sur nos esprits même après environ sept siècles d'existence.


Ce qui me plait, c'est cette quête mise sous l'autorité non plus d'un peintre mais d'un homme de lettres. Mis ensemble le Da Vinci code et Inferno forment un diptyque qui nous dit que le siècle de la Renaissance a bâtit notre présent et inspire notre futur; idée forte et belle.


Un jeu sur les focalisations du narrateur qui s'efface à un moment pour livrer directement les pensées d'un personnage permet aussi un jeu avec le lecteur et la question très polémique actuellement de l'homosexualité.
Un jeu de culture renverse les conceptions féodales:


Les hommes du Moyen-Âge, surtout face à la peste, craignaient l'extinction de la race humaine et des auteurs comme Chrétien de Troyes ont combattu le mariage pour défendre l'adultère, la procréation et lutter contre la fin d'un monde devenu stérile.
Dan Brown prend le contre-pied de ce temps dont il reprend peste et crainte d'apocalypse mettant en scène un scientifique qui crée un virus rendant stérile pour empêcher la fin d'un monde devenu surpeuplé. Ironie plus que glaçante.


Mais il y a quelques bémols:
Le premier, une abondance de scènes vues et revues sous différents angles d'attaque qui n'apportent rien à l'action et enlise la narration dans une immobilité qui se veut calme de première partie face à un twister de seconde partie.
Le second, le double coup de théâtre lui-même qui rend l'ensemble de l'aventure vaine, excluant certains dangers mortels et dépouillant la quête de toute finalité.
Le suivant, une admirable idée de génétique digne des meilleures séries télévisées de science-fiction. Tellement digne qu'on la retrouve déjà dans certaines d'entre eux comme l'excellente série Fringe de J.J.Abrams, par exemple.
Enfin, le message écolo-économiste - le genre de message ayant fait par exemple du Quantum of solace de Forster le plus déprécié des James Bond - qui vient parasiter le plaisir de lecture, bien que se mariant admirablement avec le reste de l'intrigue. Le Dante code devient par moments le Cassandre code, appuyé sur des documents journalistiques, hélas, bien réels!


En résumé, un bon roman de Dan Brown en deux temps, dont l'originalité vis à vis des autres aventures de Robert Langdon peut séduire comme déplaire, tissé de bons effets narratifs, de bons apports culturels et questionnant notre actualité avec virtuosité. Mais certains bémols viennent assombrir le tableau et gâcher parfois le plaisir.
Plus qu'une fiction, c'est un livre qui veut faire réfléchir, penser le monde et la morale autrement, en s'inspirant des maîtres de la Renaissance. C'est à l'image du passage aux Enfers qui permet une métamorphose de l'être, une anabase.

Frenhofer
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ces livres qui réécrivent ou s'inspirent de L'Enfer de Dante

Créée

le 30 juin 2015

Critique lue 723 fois

Frenhofer

Écrit par

Critique lue 723 fois

D'autres avis sur Inferno

Inferno
Nushku
3

Vous qui lisez, abandonnez toute espérance.

Lu par pure curiosité malsaine ; mettre mon doigt dans la plaie et voir de mes propres yeux ce qu'on a infligé à l'un de mes auteurs préférés, ma période fétiche, mes peintres, sculpteurs et...

le 4 avr. 2015

27 j'aime

11

Inferno
Richrag
4

Deception Point ...

Oh, Un nouveau Dan Brown ! 22€, quelques heures de lectures et beaucoup de déception plus tard, me voici espérant qu'un prochain tome relèvera le niveau qui est tombé, à mon goût ... bien...

le 28 mai 2013

14 j'aime

Inferno
Nicolas_Kinderm
6

On prend les mêmes er on re-re-recommence

Puisque le Da Vinci code a été un succès planétaire, pourquoi changer? On retrouve donc (encore) Robert Langdon (cette fois amnésique des 2 derniers jours) accompagné d'une jeune femme (pour...

le 3 juil. 2013

9 j'aime

3

Du même critique

Les Tontons flingueurs
Frenhofer
10

Un sacré bourre-pif!

Nous connaissons tous, même de loin, les Lautner, Audiard et leur valse de vedettes habituelles. Tout univers a sa bible, son opus ultime, inégalable. On a longtemps retenu le film fou furieux qui...

le 22 août 2014

43 j'aime

16

Full Metal Jacket
Frenhofer
5

Un excellent court-métrage noyé dans un long-métrage inutile.

Full Metal Jacket est le fils raté, à mon sens, du Dr Folamour. Si je reste très mitigé quant à ce film, c'est surtout parce qu'il est indéniablement trop long. Trop long car son début est excellent;...

le 5 déc. 2015

33 j'aime

2

Le Misanthrope
Frenhofer
10

"J'accuse les Hommes d'être bêtes et méchants, de ne pas être des Hommes tout simplement" M. Sardou

On rit avec Molière des radins, des curés, des cocus, des hypocondriaques, des pédants et l'on rit car le grand Jean-Baptiste Poquelin raille des caractères, des personnes en particulier dont on ne...

le 30 juin 2015

29 j'aime

10