J'ai un peu de mal à voir ce que tant de personnes (et surtout tant de femmes) trouvent à Jane Eyre : reflet d'une époque où la femme n'avait aucun droit mais croulait sous les devoirs, on y suis le destin d'une héroïne qui passe son temps à réprimer son moi profond parce que "ça ne se fait pas".
A huit ans elle vit un épisode sublime pendant lequel elle laisse s'exprimer ce qu'elle a réellement en elle : elle dit ses quatre vérités à sa marâtre odieuse après que le fils de celle-ci eût tenté de lui ouvrir le crâne avec un livre.
Hélas, au lieu de comprendre que son salut passera par la colère et le rejet du lourd fardeau que la société veut lui imposer, elle se reprochera toute sa vie cette épisode, et en fera un souvenir honteux et ignoble, dont les répercussions pourraient la mener tout droit en enfer.
Elle endossera donc avec résignation mais surtout avec une volonté extraordinaire ce carcan dont les suffragettes auront tant de mal à se défaire.
Et c'est ça qui m'énerve chez Jane Eyre : elle ne met jamais rien en question, elle ne se demande pas si ce qu'elle doit faire est justifié ou non, pire elle considère que si elle a été mise sur cette Terre c'est pour souffrir, donc quitte à se faire du mal autant y aller franchement...
Elle prétend aimer, mais cela ne la sublime pas, ne la pousse pas à braver tous les interdits. Elle préfère son carcan à son amour, enfile elle-même la camisole de force qui emprisonne sa folle passion.
Quand Scarlett O'Hara aime, elle n'a que faire de ce qui se fait ou pas ; quand Juliette aime, peu lui chaut le jugement des hommes face à l'amour qui la consume ; enfin Eléa fera tout pour rejoindre Païkan, quoi qu'il lui en coûte !
Jane ne poursuit pas le bonheur, elle attend que le bonheur vienne à elle, et sans faire d'esclandre, si possible !
Je sais que tout cela est le reflet d'une époque, des mœurs très moraliste de la société victorienne, mais bon dieu que c'est frustrant de voir cette héroïne bigote courber la tête !