Judas
Judas

livre de Lanza Del Vasto (1938)

Judas.



Les cinq lettres majuscules sur la couverture sont imposantes, menaçantes. C’est le poids de l’infamie qu’elles soutiennent. Alignées, ensemble, elles portent tout le péché de l’homme. Ce nom est chargé de la plus terrible des significations. Judas est le plus grand criminel de l’histoire car c’est un lâche et un traitre. On pardonne aux criminels, on s’identifie à eux parfois, bon nombre d’oeuvres l’ont montré. Mais il y a deux crimes que nul ne pardonne, que nul n’espère, que nul n’apprécie : la lâcheté et la traitrise. Judas n’a commis que cela et c’est ce qui fait qu’il sera a jamais le plus terrible des criminels. Il a trahi Jésus, le prophète, le bon Jésus, le fils de Dieu et il a fuit devant son crime, presque devant sa tache, lâche après avoir été traitre il s’est pendu, fuyant son infamie, fuyant les 30 deniers. Rien ne peut inverser le cours des choses. Nul ne peut fuir devant une telle action. Il sera à jamais le lâche et le traitre, il sera à jamais celui qui a vendu le fils de Dieu pour une bourse d’argent. Nul suicide, nulle pénitence ne pourra faire disparaitre ce crime. C’est pour cela que Satan le dévore éternellement dans la Divine Comédie, pour ça que vous ne rencontrerez jamais personne s’appelant Judas. 



Mais Judas à défaut d’être un saint était un homme. Et c’est toute la beauté de l’oeuvre de Lanza Del Vasto que de revenir sur ce homme. Extrapolant les récits bibliques mêlant essai et roman il nous présente le parcours du traitre dans toute sa complexité. Il mélange roman et essai avec la forme de l'évangile pour revenir sur le parcours de Judas et en filigrane sur le parcours de Jésus. A travers les interrogations de Judas, l'auteur nous amène à réfléchir sur cette figure souvent absente ou mutique dans le roman et qui est pourtant au centre de toute cette agitation. Fils de Dieu, utopiste ou charlatan ? Les mêmes questions finissent par être posées sur Judas. Tellement complexe, tellement humain qu’on ne peut statuer définitivement sur ses valeurs, sur ses idées à la fin de l’oeuvre. Réflexions sur Dieu, l’amour, mauvaise et bonne foi s’alignent, se rencontrent et se croisent dans ce livre. On est sanctifié ou animalisé d’une page à l’autre. Tout le monde ignore Judas, il n'est jamais pris longtemps en sympathie mais Judas veut tout, dévaloriser Jésus, prendre sa place, l’immortaliser. Il veut Marie, il veut son corps ou plutôt sa présence, son esprit. Il veut être dépositaire et rédacteur de la doctrine mais recule devant elle. Il veut hair et aimer ou seulement être aimé. Il veut faire le mal mais aspire au bien parfois. Ou peut-être est-ce seulement un bien intéressé ? Qui sait ? Mais surtout il veut savoir, il veut être in. Livre du doute, de la certitude, des valeurs peut-être. Il est difficile d’en parler réellement, mieux vaut tourner autour du pot. Ou alors tout simplement le lire, pour plonger les mains dans l’homme, le saint et l’infamie.



"Jesus est un amant. Judas le reconnait et l'admire pour cela. Sa parole mérite d'épouvanter plus que le cri de Jean-Baptiste. Judas l'aime parce qu'il n'aime pas les bonnes gens. Jésus sait aimer les hommes de telle manière qu'il les détruise et qu'il se substitue à eux. Son amour est celui dont on meurt. C'est un conquérant ; il n'est pas venu porter ici la paix, mais l’épée"


"Heureux celle qui voit son aimé marcher au supplice car elle essuie avec un linge son visage sanglant.
Heureux celui qui pleure et aime parce qu'il peut regarder en face celui qu'il aime et pleure
Heureux ceux qui pleurent car les larmes sont l'amour qui convient aux hommes.
Heureux ceux qui ont fui car ils ne verront pas l'agonie de leur ami.
Heureux ceux qui lèvent et abaissent le poing, qui plantent des clous dans la chair vivante, parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font.
Judas ne pleure pas, ne console pas, ne s'enfuit pas, ne frappe pas. Il regarde et se tait. Pour l'éternité il est quelqu'un qui regarde et se tait."

Samoice
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 1 juil. 2021

Critique lue 199 fois

5 j'aime

Samoice

Écrit par

Critique lue 199 fois

5

Du même critique

Barabbas
Samoice
9

L'oublié

Après l'infâme, voici l'oublié. Après ma lecture de Judas, ma lecture de Barabbas. Après le traitre dont le nom est honni depuis des siècles, place à celui qui perd toute existence et utilité une...

le 6 déc. 2021

3 j'aime