Le Monde selon Jules

Jules assurément coulisse à la perfection, telle une mécanique bien huilée.
On sent le métier de l'auteur, le coeur et la sincérité qu'il a mis au service de sa thématique centrale, un chien d'assistance qui se retrouve au chômage technique sitôt que son "assistée" recouvre la vue suite à une opération réussie.

La saveur et l'originalité de la narration reposent intégralement sur les épaules de Jules qui assume cette responsabilité avec brio et garantit la réussite du projet. On tourne les pages avec plaisir, intérêt et curiosité, avec l'envie grandissante et parfaitement assumée d'un heureux dénouement.

Cela dit, malgré un contentement général, j'ai refermé l'ouvrage avec le sentiment inhabituel que l'auteur était passé à côté de quelque chose, qu'il avait soit manqué d'ambition ou avait eu peur de son propre talent ou d'aller au bout de son idée.

Je pense en effet que Jules avait en puissance la qualité d'un chef-d'oeuvre. Mais pour cela, il aurait fallu que les bipèdes eût bénéficié d'un traitement plus subtil, qu'ils soient parés de nuances et de clairs-obscurs. Certes, dans un récit canin, les humains ne sont que des faire-valoir, des seconds rôles mais la caractéristique d'un chef-d'oeuvre est de n'épargner de son excellence aucun niveaux de la narration.

Alors, oui les deux bipèdes autour desquels Jules gravite et triomphe, sont sympathiques. Mais fallait-il qu'Alice soit une créature splendide qui débarque à froid, dès la première page "les seins libres sous la soie quasi transparente"? Une femme adulte, aveugle, sans soutien-gorge, juché sur talons hauts et mini-short? Vraiment? Et fallait-il que Zibal soit un homme abandonné à la naissance sur une poubelle, un moisi de l'existence, le raté de service malgré un QI stratosphérique? She has the looks, he has the brains, en somme. Vraiment? Au 21ème siècle, n'y a-t-il pas moyen d'éviter le cliché de l'homme brillant et de la femme splendide et de raconter une rencontre autrement qu'au travers du prisme éculé du mâle lambda qui salive et convoite une femme hors de sa ligue?

C'est donc définitivement et exclusivement grâce à Jules et la justesse de sa trajectoire que je vous conseille malgré tout cette lecture, qui sera d'autant plus parfaite si vous passez un long WE sur une belle plage du Nord de l'Europe.

Bonne lecture.
Merci de m'avoir lue.
Amitiés,
Dustinette

P.S. Celui qui m'explique pourquoi c'est un Braque qui illustre l'ouvrage alors que Jules est un Labrador, seront extrêmement aimables de m'écrire et de m'éclairer. Je me réserve le droit de les récompenser de toute ma considération ainsi que d'un paquet de croquettes pour chiens de tout premier choix.