Un papillon qui bat des ailes à Pékin peut apporter la pluie à New York...

J'ai beau avoir vu le film environ 108 fois, j'ai beau l'avoir épluché en long en large et en travers, j'ai beau en réciter la plupart des dialogues avec d'autres inconditionnels de la première heure sans lassitude aucune, j'ai quand même acheté le roman de ce cher Michael Crichton par curiosité. Je pensais en effet que j'allais perdre mon temps à lire un livre de 500 pages dont je connais l'adaptation cinématographique par coeur... Quelle n'a pas été ma surprise lorsque j'ai constaté que le matériau de base était incroyablement plus riche et développé que le film de Spielberg ! Affirmer que l'un n'a rien à voir avec l'autre serait proche de la vérité !

500 pages bien tassées donc... Pour tout fan qui se respecte, c'est du pain béni ! L'histoire ne diffère cependant pas trop de celle du film, dans les grandes lignes tout du moins... Un milliardaire mégalomane dépense sans compter dans le but de créer un parc pas comme les autres, une sorte de réserve biologique, avec pour ambition de dévoiler aux yeux du monde une prouesse bio-technologique qui vaut le détour : la "résurrection" d'espèces animales et végétales disparues depuis 65 millions d'années et plus (périodes Jurassique et Crétacé principalement), le tout dans le cadre paradisiaque d'une île tropicale du Pacifique. Mais bien évidemment, tout ne va pas se passer comme prévu et les choses vont se gâter... Un grain de sable dans les rouages, une technologie de pointe loin d'être infaillible, un personnage louche aux intentions peu recommandables, et une dame nature qui ne manque jamais de nous rappeler que si l'on joue un peu trop avec elle, elle nous le fait savoir ! Tous ces imprévus vont ainsi constituer la charpente d'une histoire qui évolue selon la logique de la théorie du chaos, exposée en détail par le personnage de Ian Malcolm, une théorie qui bien sûr prévoit l'échec du projet "Jurassic Park". Les évènements vont se calquer sur un découpage du roman en 7 parties ou "itérations", 7 étapes illustrant un "effet papillon".

A l'image de ces évènements et des personnages qui y prennent part, cet aspect mathématique est ici beaucoup plus développé que dans le film. Lorsqu'on regarde celui-ci, on est loin de se douter de tout ce qui se passe réellement dans l'oeuvre initiale. Mais Spielberg avait bien entendu un format à respecter, un divertissement de deux heures accessible au plus grand nombre, et il devait de ce fait mettre de côté une grande partie du travail de Crichton. Le réalisateur se sera alors basé sur à peine 1/5e du livre pour valider son scénario, un petit cinquième seulement qu'il aura en plus re-bricolé à sa façon en y apportant quelques modifications, notamment au niveau des personnages et de certains dinosaures, que ce soit par ajout, retrait ou substitution. Parmi les 4/5e restant, on pourra s'amuser à remarquer des passages qui ont inspiré quelques scènes des deux films suivants, mais aussi profiter de nombreuses séquences inédites et enrichissantes. En outre, on pourra aussi grandement s'étonner que la version papier ne commence ni ne finit de la même manière que la version pellicule...

Au final, le roman n'est pas meilleur que le film ou inversement. Ils sont tous les deux très bons à leur façon et j'ai vraiment eu le sentiment de "lire un autre film". Mais quand j'y pense, je me dis que Michael Crichton n'a jamais été un grand romancier... En fait, je crois qu'il était bien meilleur scénariste que romancier. En lisant ses livres, j'ai constamment l'impression de feuilleter un scénario très développé plutôt qu'un roman, ce qui ne m'a jamais vraiment gêné en soi, car on ne lit pas Crichton pour la musicalité des mots, la poésie des phrases et des descriptions, l'esthétisme de la langue en général, ou même la richesse de personnages particulièrement fouillés et les émotions qui peuvent découler d'une empathie pour eux. Non. On lit Crichton pour profiter pleinement d'une bonne histoire basée sur une idée de départ souvent originale, qui alterne moments de tensions et pédagogie, qui s'appuie sur des éléments scientifiques parfois très poussés et sur des reconstitutions très réalistes des milieux professionnels concernés. Jurassic Park ne déroge pas à cette règle, et constitue sans doute le meilleur roman de son auteur, en se payant même le luxe d'évoluer à la frontière du thriller, du fantastique et de la science-fiction. Un must-read !

AlekD
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le 29 juil. 2022

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AlekD

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