L.A Story, de James Frey, a secoué les critiques et le monde littéraire - notamment - français. "Bible de Los Angeles et défi littéraire réussi", selon Rue89; "Procès d'intention" dans le Monde des livres, "James Frey, l'imposteur pardonné", d'après l'Obs.

A l'origine, un camarade avec lequel je partage des Palahniuk, Ellis, et autres border novels, balance ce pavé grand format dans la marre alors trouble de mes lectures. Il m'en dit un peu sur l'auteur, toutes ces choses que Google vous expliquerait mieux que moi et dont on a fait une matière parfaitement buzzable (vous pensez, le maître mot étant: manipulation).

L.A. Story, c'est la côte Ouest sous tous ses angles, une volonté d'exhaustivité étourdissante : soleil, poubelles et autoroutes. Beverly Hills, terrains vagues et plages aménagées. Homosexuels stars, clochards célestes et amants du premiers jours.

Le récit de la vie du vieux Joe, ou celui de l'acteur mondialement célèbre Amberton sont virgulés par les chiffres de James Frey ("Il y a 27 millions de voitures dans le comté de Los Angeles, presque deux par être humain."), par ses anecdotes ("Il y a un musée consacré à la banane à Los Angeles."), ses dates-clés ("En 1994, O.J. Simpson, star de foot afro-américaine, est arrêté pour le meurtre de son ex-femme..."), ses listes de détails, de destins d'anonymes, de faits socio-géographiques - réels ou non.

C'est là que ça gratte, car l'époque supporte difficilement de ne pas savoir ce qu'il se passe derrière le rideau, dans la cuisine du grand manitou. Le lecteur avisé voudrait être sûr de pouvoir mesurer la part de documentation de la part de fiction. Il suppute: les chiffres seraient faux, des exagérations, des approximations. On connaît le bonhomme: après tout, il n'en est pas à son coup d'essai en matière de coup littéraire.

Et c'est comme si, parce que Frey utilise le stratagème des faits (potentiellement) réels pour asseoir sa fiction, il devait rendre des comptes. On voit d'ici le lecteur censeur, sa réglette à la main: "La réalité ne se bafoue pas, monsieur Frey." Alors que c'est là tout le privilège du dieu écrivain. Il assaisonne la vérité, la saucissonne, la pimente. Il la met à genou, la violente, la martyrise. En bref, il est capable de tout pour servir son dessein, écrire SON histoire - en premier lieu, berner son lectorat.

Parce qu'on les voit comme des machines de haute précision, on s'imagine que tout, chez Dos Passos ou chez DeLillo est juste et vrai au millimètre près... Mais who cares du millimètre? Qu'avons-nous retenu de La Grosse Galette ou de Libra? La somme de détails ou la fresque littéraire?

Avec L.A. Story, James Frey nous parle d'abord de l'Amérique et des Américains, de leurs regards tournés vers une même direction - l'Ouest, le rêve d'une vie meilleure. Et parce qu'il aime l'histoire qu'il nous raconte, il y met les moyens - ses plus beaux flonflons. Que ceux-ci ne soient pas vérifiables, quantifiables, est un détail, un bien pauvre détail.
Missdynamite
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le 18 juin 2010

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