Petite pause lecture avec une novella de Paolo Bacigalupi, la Révélation SF de ces dernières années en ce qui me concerne. L’auteur s’octroie avec L’Alchimiste de Khaim une courte récréation avec un conte fantastique qui ne dépareillerait pas dans la bibliographie de Neil Gaiman.


Petite cité insignifiante, Khaim est devenue, par la force des choses, l’ultime bastion du monde libre. Pourtant, elle semble sur le point de perdre la guerre menée depuis des années contre les assauts du roncier géant qui a englouti inexorablement sous ses vrilles barbelées l’Empire. Rien ne paraît en effet en mesure de repousser, voire de ralentir, la prolifération du végétal et de ses épines empoisonnées. Ni la proscription de la magie, la principale cause de la croissance des ronciers, ni les brigades de conscrits chargées de défricher les abords de la ville. L’Empire se réduit ainsi à une peau de chagrin au grand dam du Maire de Khaim et du Majistère Scacz qui voient les réfugiés affluer et le désordre progresser. Du fond de son atelier, où il se livre à des expérimentations depuis des années, Jeoz pense avoir trouvé le moyen d’éliminer la menace. Une méthode alchimique dont il espère tirer profit pour soigner sa fille. Seuls les sorts semblent en effet la soulager du mal qui peu-à-peu l’asphyxie. En détruisant les ronciers, l’alchimiste pense pouvoir lever l’interdiction pesant sur la magie et ainsi offrir un avenir à sa progéniture. Hélas, le Maire et Scacz réservent à son invention un autre usage…



« Chaque lanceur de sorts a une bonne excuse. Si nous offrions des grâces individuelles, nous commettrions un suicide collectif. C’est un


joli puzzle pour l’éthique d’un homme tel que vous. »



Sous les dehors faussement enfantin du conte, L’Alchimiste de Khaim propose un questionnement moral bigrement adulte. L’amour paternel de l’alchimiste Jeoz y fait l’amère expérience de la duplicité du pouvoir. Paolo Bacigalupi confronte l’intérêt général à l’intérêt privé, mais sans chercher à opposer l’un à l’autre. Il s’attache plutôt à démonter les ressorts intimes des motivations humaines, posant le dérèglement de la nature, ici incarné par le développement des ronciers, comme la conséquence des activités humaines, en particulier l’usage inconsidérée de la magie et l’hubris des majistères. Bref, l’auteur américain ne s’éloigne finalement pas de ses thématiques habituelles. Il se contente juste d’en varier la forme, donnant naissance au passage à un monde fantastique joliment troussé.


Voici donc une lecture bien sympathique, à intercaler entre deux pavés plus exigeants ou en attendant la traduction du prochain roman de Paolo Bacigalupi.


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leleul
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le 7 juil. 2016

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