À s'en brûler les doigts

J'ai décidé de lire ce roman quand j'ai entendu Paul Veyne expliquer son importance dans sa vie en disant qu'il lui a montré comment il ne faut pas vivre. Certes, je ne choisirais pas Frédéric Moreau comme un exemple à suivre. Mais au-delà de cela, le héros de Flaubert, ou plutôt l'anti-héros, est d'une immense poésie ! En effet, derrière le côté très descriptif de l'Éducation sentimentale que j'ai trouvé parfois ennuyeux ( toutefois, si vous vous intéressez aux détails des tenues vestimentaires de l'époque, ce bouquin est fait pour vous), j'ai perçu une beauté dans les échecs, les espoirs, les sentiments contradictoires et déchirants de Frédéric qui m'a fait forte impression. N'importe qui se retrouvera d'une manière ou d'une autre dans ce personnage. Attachant malgré lui, que l'on prend en pitié, mais qu'en même temps on aime voir se planter, on n'oublie pas Frédéric une fois qu'on l'a connu. Et on le connaît tellement bien quand on lit ce roman, ce qui est, à mon avis, une de ses grandes forces. On est dans sa tête d'une façon tangible, on palpe ses émotions, on les goûte, on les avale, on les crache.

Bref, c'est à mon sens un livre à lire plus d'une fois pour cerner toutes ses dimensions et j'en suis presque convaincu, une relecture augmenterait ma note d'au moins deux points. Je reparcourrais les pages avec plaisir ; même si ce n'est que pour le style incroyable de Flaubert ou pour me rebrûler le bout des doigts sur la passion pure et ardente du jeune romantique.

"Les maisons se succédaient avec leurs façades grises, leur fenêtres closes ; et il songeait dédaigneusement à tous ces êtres humains couchés derrière ces murs, qui existaient sans la voir, et dont pas un même ne se doutait qu'elle vécût !"

"Il s'était arrêté au milieu du Pont-Neuf, et, tête nue, poitrine ouverte, il aspirait l'air. Cependant, il sentait monter du fond de lui-même quelque chose d'intarissable, un afflux de tendresse qui l'énervait, comme le mouvement des ondes sous ses yeux. À l'horloge d'une église, une heure sonna, lentement, pareille à une voix qui l'eût appelé."