L'Arbre Vengeur nous livre épisodiquement des petits miracles, comme Quinzinzinzili de Régis Messac ou encore L'œil du purgatoire de Jacques Spitz. Auxquels faut-il maintenant ajouter L'homme qui s'est retrouvé d'Henri Duvernois.
Le premier rabat nous indique que l'auteur est né en 1875 de son vrai nom Henri Simon Schwabacher et qu'il meurt « riche et célèbre » en 1937. Cet écrivain des Années Folles, outre ses romans et contes, a produit dans bien d'autres compartiments, de l'opérette au cinéma en passant par le théâtre. Aujourd'hui presque complètement oublié, il était extrêmement populaire, ami de Proust, Colette, Cocteau ou encore Mistinguett.
Il est surtout distingué par Gide, pourtant féroce, qui dit de lui « Car ce qu'écrit Duvernois, et qui comporte parfois des moments d'une réussite unique, — je sais ce que je dis, — n'est pas fait pour le public auquel il s'adresse et qui le reçoit. »
L'homme qui s'est retrouvé, écrit juste un an avant sa mort et son unique roman fantastique, appartient sans conteste à ces moments rares et précieux.
L'argument, à l'époque novateur, est maintenant un poncif de la science-fiction : un bourgeois désabusé, Maxime-Félix Portereau, riche et oisif, expérimente un vaisseau interstellaire qui le conduit en fait quarante ans plus tôt. Il va alors tenter d'aider de ses conseils le jeune homme qu'il fut, afin d'en améliorer le destin.
Mais Henri Duvernois réserve à cette trame classique un traitement singulier. Portereau, qui se présente comme un cousin d'Amérique, se découvre bien incapable d'influencer les destinées de sa famille : son père, médiocre employé que manipulent ses escrocs de patrons, sa sœur qui court vers une terrible désillusion amoureuse et bien entendu son moi adolescent, insupportable égotiste velléitaire. Las, on le traite d'insupportable trublion, et le prie de porter ailleurs ses inutiles conseils.
Car Chronos ne se laisse pas aisément manœuvrer, non plus que la nature humaine. Tandis que le voyageur temporel découvre la vanité de ses efforts, son entreprise s'achemine vers son inévitable et tragique conclusion.
Henri Duvernois livre ici un drame d'une modernité saisissante, écrit dans un style aujourd'hui légèrement suranné, mais d'une impeccable fluidité et d'une charmante élégance. Merci donc à l'Arbre Vengeur d'avoir exhumé ce lent et beau voyage aux sources des regrets inutiles.
Gurzeh
8
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le 9 oct. 2010

Critique lue 186 fois

Gurzeh

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