L'Idiot
8.4
L'Idiot

livre de Fiodor Dostoïevski (1870)

L'Idiot est un roman fleuve de 750 pages paru à l'époque sous forme de feuilleton dans le journal Le Messager russe. Dostoïevski l'écrit sur une période de 3 ans mais il est publié pendant 2.
Le personnage principal, un jeune prince, revient en Russie, et plus précisément à Saint Petersbourg, après avoir passé en Suisse une partie de sa vie en convalescence pour épilepsie, ou "idiotie", maladie dont souffrait également l'auteur.
Dans le train il fait la rencontre de Rogojine et Lébédèv qui lui parlent de Nastassia Philipovna que Rogojine veut épouser. Le prince, qui connait assez mal la Russie, ainsi que sa famille, veut rencontrer la famille Epantchine dont la mère, Lisavéta, partage une parenté éloignée avec lui.
Il fera ainsi la rencontre de cette famille, du Général Epantchine d'abord, et de son secrétaire Gavrila Ardalionovitch, que le général veut faire épouser Nastassia Philipovna, qui lui montrent un portrait de cette dernière, puis de Lisavéta Prokofievna et des trois filles Epantchine, Alexandra, Adélaïda et Aglaïa. Malgré le fait qu'il passe pour un idiot, le prince fera forte impression sur la mère et ses filles.
Le mot "idiot" qui vient du grec (idios), et qui est le même en russe signifie "simple", ou "particulier".
Si le prince passe pour idiot, ce n'est pas seulement en raison de sa maladie, mais parce qu'il a l'air d'être extrêmement naïf et candide. Il est simple, honnête, et essaye d'être bon. Chez lui pas de calculs ou d'arrières-pensées. Il est ainsi en décalage total avec la société dans laquelle il pénètre, la haute-société russe de l'époque. Ainsi le personnage détonne et ne laisse pas indifférent. Tous le prennent pour un idiot au début, et certains en profitent, mais finissent tous plus ou moins par se rendre compte qu'il n'est pas idiot, et certains le trouvent même très intelligent. Mais la chose importante se semble pas tant être à propos de son intelligence que de sa bonté. Le prince s'efforce d'être toujours droit et bienveillant avec les personnes qu'il rencontre. Même avec ceux qui lui veulent ou lui font du mal, même avec ses ennemis. En cela, il rappelle évidemment le personnage du Christ.


Si l'idiot est le personnage principal de ce roman, il laisse la place à de nombreux autres personnages, avec autant de caractères différents. Une grande partie des facettes de l'âme humaine y seront dépeintes. Comme le libertin Totski, le Général alcoolique et menteur Ivolguine, l'ambigu Lébédèv, le gentil Kolia, le phtisique nihiliste Hippolyte, etc. Certains trouveront que c'est un long roman où il ne se passe rien. Bien sûr, c'est faux. Il se passe de nombreuses choses, pour celui qui est attentif, mais ce n'est pas tellement les événements qui sont importants, mais comment les personnages réagissent aux événements, leurs événements intérieurs, c'est-à-dire les sentiments que leurs procurent ces événements, et comment ils décident d'agir par rapport à eux. L'art du suspens est à son comble, puisque l'auteur arrive à nous maintenir en haleine pendant toute la durée du livre.


Le livre vaut donc par la peinture de la Russie d'une certaine époque, et un certain milieu social : l'aristocratie et la haute bourgeoisie, mais aussi par l'universalité des rapports sociaux de ces profils psychologiques décrits avec finesse et précision. Il vaut aussi par les digressions de l'auteur, les réflexions qu'il place dans la bouche de ses différents personnages. Que ce soit sur la peine de mort, sur l'âme russe ou sur la "question féminine" dont il est souvent question sans que personne n'en parle réellement (et sans qu'on sache exactement de quoi il s'agit précisément). Peut-être que c'est le roman lui-même en tant qu'ensemble qui traite de la question.


Autant le dire, le roman finit mal. Si l'on est assez facilement convaincu que l'idiot n'est pas si idiot que cela tout au long du roman, et que ce sont plutôt les personnages qui l'entourent qui sont véritablement idiots, il faudra attendre la fin du roman pour qu'un événement nous fasse nous demander s'il n'a pas quand même été idiot.
Alors lisez-le jusqu'au bout, et vous pourrez répondre vous-même à la question : l'Idiot est-il vraiment idiot ?

Créée

le 30 mai 2021

Critique lue 214 fois

Hunkarbegendi

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