Une œuvre hybride au fond historique précis sur lequel se croisent des personnages complexes et attachants, le tout ponctué de réflexions et analyses de concepts variés.
Le printemps de Prague, 1968.
L'armee soviétique envahit la Tchécoslovaquie suite à la libéralisation du pays par Alexander Dubček et son "socialisme à visage humain".
Les chars côtoient les talons aiguilles et les mini jupes.
Le lourd et le léger.
Ces idées reviennent inlassablement, à travers Nietzche, Parmenide, Tolstoï, Beethoven ("Es muss sein!")...
Des personnages intimes, tous reflets de Kundera
"Tereza est née de borborygmes."
Elle est l'incarnation de la dualité du corps et de l'esprit : son corps si lourd, qui la rattache à sa mère répugnante, s'oppose à son âme qui "remontait à la surface du corps, pareille à l'équipage qui s'élance du ventre du navire, envahit le pont, agite les bras vers le ciel et chante". C'est un personnage lourd, à la recherche de sens, attiré par la pesanteur. "Un étourdissant, un insurmontable désir de tomber". Avec elle, même le hasard est lourd, en témoigne son interprétation des signes : le livre, "ce signe de reconnaissance d'une fraternité secrète", la musique lors de sa première rencontre avec Thomas...
Ce dernier est né de la phrase "einmal ist keinmal. Une fois ne compte pas. Une fois c'est jamais." Il traîne Tereza comme un boulet, ne se satisfait pas de la monogamie qu'elle aimerait lui imposer. Cependant, il ne se définit pas par ses infidélités : à la manière des tableaux de Sabina, qui dévoilent un double tableau par des tâches, Thomas dévoile l'amoureux derrière de libertin.
Sabina, elle, paraît tout d'abord symboliser la légèreté par son mode de vie. Or justement, "son drame n'était pas le drame de la pesanteur, mais de la légèreté. Ce qui s'était abattu sur elle n'était pas un fardeau, mais l'insoutenable légèreté de l'être." Elle se perd dans ses buts, ne sait pas jusqu'où elle doit persévérer dans les actions qui la définissent ni pourquoi, elle enchaîne les trahisons comme une addiction sans savoir où cela la mènera.
Franz, lui même trahi par Sabina (qui disparaît après qu'il a quitté sa femme pour elle), la transforme en idéal. Il ne vit pas dans la réalité, c'est un rêveur qui cherche à fuir sa solitude en rejoignant la Grande marche. Ce décalage entre lui et le monde le tuera, au moment où il essaiera d'accomplir un acte courageux à l'autre bout du monde, se sentant guidé par Sabina.
La dualité corps âme, l'opposition lourd léger, le Kitch, la partition du hasard et autres réflexions
En nous arrachant à l'intrigue, Kundera nous rappelle régulièrement que celle ci n'est qu'une fiction, un prétexte au développements de différentes idées, qui mettent en place un point de vue particulier des mécanismes humains. Ceux ci tendent vers le fameux Kitch, aussi artificiel qu'indispensable à la cohésion, et qui semble nous aggriper tous, même ses plus farouches opposants.