L'invisible
7.3
L'invisible

livre de Robert Pobi ()

Montauk, Nouvelle-Angleterre. Alors qu'un ouragan de force 5 menace une petite ville côtière, Jake Cole revient pour la première fois depuis près de trente ans dans la maison où il a grandi. Confronté à une série de meurtres sanglants, il est bientôt convaincu que l'identité de l'assassin se cache dans les mystérieux tableaux que son père peint inlassablement. Avec L'Invisible, Robert Pobi nous plonge dans une intrigue machiavélique qui nous tient en haleine jusqu'à la dernière page.


C'est au coeur de ce bourbier que le héros aide la police locale à résoudre son enquête tout en devant s'occuper de son père, artiste peintre atteint de la maladie d'Alzheimer. Un héros qui ne semble pas si différent des inspecteurs que l'on retrouve habituellement dans les thrillers, mais qui sort malgré tout des sentiers battus tant physiquement que psychologiquement. Un physique à la Charles Bronson, et une peau presque entièrement tatouée avec les phrases du Chant XII de L'Enfer de Dante, Jack Cole bosse comme indépendant pour le FBI. Affublé d'une mémoire photographique, il a le talent de « peindre les morts », un don unique qui lui permet de lire les scènes de crime et d'entrer dans l'esprit des psychopathes qu'il prend en chasse.



Son véritable talent [...] était sa capacité à peindre les derniers moments de la vie des autres. Et grâce à cette aptitude mystérieuse et souvent effrayante, Jake Cole était très doué pour traquer les monstres.



Déployant un scénario implacable, ce roman interroge en permanence les apparences et dresse un puzzle que l'on va compléter au fur et à mesure de notre lecture pour comprendre ce qui se cache derrière la monstruosité des faits. Une image finale qui nous apparaîtra comme limpide une fois l'assemblage terminé. Souvent courts, les chapitres s'enchaînent et font progresser l'enquête sans trop de temps morts. Les déchaînements progressifs de l'ouragan semblent suivre la recrudescence de violence, enfermant les personnages et le lecteur dans un huis clos oppressant. Malgré quelques détails moins enthousiasmants (répétitions inutiles, cadre pas toujours exploité), Robert Pobi n'hésite pas à mêler le gore et le suspense, faisant monter la tension après chaque nouveau meurtre. Son style vif se ressent jusque dans ses personnages dotés d'une personnalité bien marquée et parfois loin des stéréotypes habituels (comme en témoigne Kay, la compagne du héros). Cet aspect sans concession, et parfois brut de décoffrage, est visible dans la description même des scènes de crimes, cadre sanglant qui témoigne d'un sang froid et d'un sadisme exacerbé et dont les sons (cris de terreurs) et les odeurs (métalliques) atteignent même le lecteur. L'autre élément appréciable est la place qu'occupe l'Art dans l'intrigue. Outre les 5 000 mystérieux tableaux peints par Jacob Coleridge (le père du héros), qui oscille entre génie et folie, on y croise Andy Warhol et Pablo Picasso, réminiscences d'un passé artistique et tumultueux. Des références picturales pas si étonnantes puisque Pobi a longtemps travaillé dans le monde des antiquités. Mais le récit peut aussi satisfaire les amateurs de psychologie, car il explore les thèmes de la mémoire, des obsessions, de la filiation et des traumatismes. Des personnages perturbés, des scènes fortes et une confrontation finale que l'on attend avec impatience... Un véritable page-turner !


Il semble que beaucoup de lecteurs aient été déçus par le dénouement du récit. Personnellement, j'avais déjà envisagé l'identité du meurtrier, mais Robert Pobi fait partie de ses auteurs habiles qui parviennent à nous faire douter jusqu'à la dernière page de tout et de tout le monde, rendant suspect chacun des personnages qui composent le récit et enchaînant les fausses pistes. J'ajouterai par ailleurs un petit bémol concernant deux grandes interrogations liées au meurtrier, dont on n’aura jamais les réponses, ce qui me laisse quelque peu sur ma faim. C'est là que Pobi fait fort puisqu'une fois le livre refermé, on trouve ce final à la fois flamboyant et frustrant, mais on ne peut qu'approuver ce choix tant la confrontation finale est perturbante.


Premier roman de Robert Pobi, L'Invisible est un thriller addictif sombre et sanglant, qui interroge les apparences avant de nous entraîner aux portes de la folie. Une atmosphère sous tension qui perturbe rapidement le lecteur, mais qui témoigne d'une grande maîtrise de la part de son auteur. Il est difficile de ne pas imaginer ce récit adapté au grand écran tant certaines images restent ancrées dans notre mémoire. À découvrir.



Jake songea au texte qui couvrait son corps, le chant dans lequel Dante avait décrit les hommes de sang. Les violents, les mauvais, les dangereux. Maintenant dans un lac de feu et de sang où résonnaient leurs hurlements et où leurs âmes étaient torturées. Son père parlait-il d'eux ? Les hommes dangereux ?


BillyMay
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le 22 févr. 2018

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