On va dire que c'était une erreur de jeunesse ?

Je n'avais pas spécialement envie de faire une critique de ce roman, mais comme il a l'air d'être fortement apprécié et qu'il n'y a aucune critique négative à l'heure actuelle sur SC, je me suis dit que ça serait bien que je consigne mes griefs, ne serait-ce que pour mon futur moi.


Je n'avais rien lu d'Ayerdhal avant. C'est par égard pour l'auteur que je suis allé jusqu'au bout parce que, réellement, j'ai trouvé ça mauvais. Mauvais au point que je ne comprends pas comment ça a pu être publié à l'époque, c'est dire.


Ce n'est pas mal écrit en soi, de ce côté c'est une histoire de goût (je ne suis pas fan du narrateur omniscient, mais soit). Néanmoins, ça manque tellement de descriptions que je me suis souvent retrouvé à me demander "comment ça, ils regardent les plaines autour d'eux ? ils n'étaient pas dans un couloir ?" ou "attends, ce perso, c'est un homme ou une femme, déjà ?".
Et quand il y a des descriptions où l'univers prend forme, c'est d'une manière bien trop naïve. L'histoire se déroule 2000 ans dans le futur mais quand on veut dire de quelqu'un qu'il est méchant, on l'associe aux croix gammées et aux nazis. Les gens prennent toujours des croissants au petit-déj, à la terrasse de café en bordure de places pavées. Bon, on gère la communication et le voyage instantanés ou presque entre systèmes stellaires, mais il y a toujours du capitalisme à la papa, des journaux papier et tout ça. Niveau créativité SF, on repassera.


Côté histoire, bons dieux ce que c'est niais là aussi. Les héros, des gosses rebelles, ne cessent de débattre dans des joutes rhétoriques dignes de vieux briscards de politique pour délayer des tartines compactes de messages politiques. Le message du roman est tellement omniprésent (et amené avec tellement de lourdeur) qu'en 700 pages, il ne se passe finalement pas grand chose.
Mais que se passe-t-il ? En gros, on passe son temps à suivre une bande d'adolescents rebelles très très gentils se jouer de commandos d'élite très très méchants avec une facilité déconcertante. Avec tellement de facilités qu'il n'y a pas une seule fois où on a peur pour les héros : ils déjouent tous les piège avant mêmes qu'ils soient tendus (d'ailleurs, le narrateur omniscient n'aide pas une seconde à combler ce manque de tension total). Et quand enfin les gentils s'en prennent plein la gueule (après la page 500, quand même, fallait être patient), là encore tout va bien, ils s'en tirent sans gros souci. Et c'est comme ça tout le long de l'intrigue : les gentils gentils sont plus malins et forts que les méchants méchants jusqu'à ce qu'on arrive à l'épilogue.
Et sans déconner, parlant d'épilogue, la morale qui dégouline des scènes finales me laisse perplexe. Les héros font tomber un système politique dégueulasse, ok, mais comment ? Avec de la propagande romancée balancée dans les cerveaux de toute une planète en même temps, en ayant aussi le pouvoir d'influer sur les émotions des gens ? Sérieux, c'est quoi la morale ? Le social engineering et la manipulation des pensées, c'est okay si ton combat est juste ?


Bref.
Malgré ça, on n'arrête pas de me répéter qu'Ayerdhal avait une très belle plume et que ses romans envoyaient du pâté. C'était son tout premier, je ne le jugerai donc pas dessus, et retenterai ma chance avec un de ses derniers.

Xavier_Porteboi
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le 21 févr. 2016

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