La Compagnie noire
7.7
La Compagnie noire

livre de Glen Cook (1984)

Une lecture qui fera office d'agréable compagnie

Voulant me lancer dans une saga de fantasy, j’ai jeté mon dévolu sur La Compagnie noire. Il me fallait quelque chose de sanglant, de cru, qui soit assez proche de Game of Thrones tout en ayant sa propre identité. Quel choix judicieux. La compagnie noire a répondu à toutes mes attentes et les a même surclassé. Je ne pensais pas autant apprécier une autre saga de fantasy, ayant peur que le rapprochement avec GoT soit trop lourd à porter, mais que nenni. Les deux univers sont déjà extrêmement différents, mais en plus de cela les quelques similitudes sont exactement les éléments que je souhaitais voir et que je considérais comme nécessaires au bon déroulement du récit. Avant d’énumérer point par point les points forts de cette saga, je vais surtout me pencher sur les éléments phares de la compagnie noire sans mentionner aucun élément ou presque de l’intrigue. Exit donc les spoils tant redoutés. Bien que ce soit une critique avant tout centrée sur le premier tome, je vais aussi m’épancher sur le reste de la saga pour donner un avis global sur cette œuvre qui mérite davantage de reconnaissance.


I. Un récit original et prenant


Comme tout œuvre comportant plusieurs tomes et histoires complexes dans un nouvel univers, le début est difficile. Les 50 premières pages sont ardues et il faut savoir s’accrocher, même si on perçoit rapidement une belle plume. Outre les noms de lieux imaginaires et des personnages, il faut savoir s’accommoder au style particulier de la compagnie noire. En effet, le livre est écrit sous forme d’annales, d’ouvrage que tiendrait l’annaliste de la compagnie en racontant l’histoire à la 1ère personne. Les personnages de la compagnie noire sont donc très peu présentés puisqu’on part du principe que cela a déjà été fait dans les annales, on n’utilise que leur surnom pour l’immense majorité d’entre eux. On a peu de détails sur les lieux, sur les châteaux, la présentation est assez crue et directe. Un des gros points positifs de ce procédé est que le récit avance très vite et l’histoire s'enchaîne. Le premier tome est d’une richesse incroyable, il se passe un nombre incalculable de choses et les autres tomes suivent cette tendance, avec plus ou moins de réussite. A partir du deuxième tome on aura régulièrement une histoire parallèle qui ne sera pas racontée par l’annaliste et qui finira par rejoindre l’histoire du narrateur. Bien que certaines histoires parallèles aient du mal à nous intéresser au début, c’est toujours très bien amené et bien exploité. Au fond, les annalistes finissent toujours par parler d’eux et de leurs émotions, ce qui rend le récit encore plus personnel et touchant.


II. Des personnages d’une grande finesse


Alors oui et non. Les personnages sont d’une grande finesse dans la façon dont ils sont écrits et dans leur traitement, mais pour la plupart ce sont des durs, des personnages qui ont vécu toutes les horreurs du monde et qui en ont bavé. Et ça se ressent. Il y a de la froideur, peu de compassion et beaucoup d’ironie macabre. D’ailleurs, la saga est finalement remplie de passages drôles, tant les personnages usent de l’ironie et des propos décalés. Malgré cette froideur, les personnages n’en sont pas moins attachants pour beaucoup d’entre eux. Déjà ils ont un aspect badass et imprévisible qui n’est pas là pour me déplaire. Ce sont des personnages vrais, qui ont tant vécu et qui vivent tant d’horreurs qu’ils sont détachés et décalés. A la manière de GoT cependant, les héros passent et trépassent. Il faut s’attendre à voir mourir ses personnages favoris à tout moment, et les mauvais à perdurer. Dans ce premier tome, on rentre directement dans le bain en pleine guerre entre l’Empire et les rebelles pour le royaume du Nord. Autant dire que les personnages ne sont pas au bout de leur peine.


III. Une magie imprégnante dont les incidences sont limitées


La magie est connue de ce monde et souvent utilisée. Pourtant, à contrario de ce que l’on pourrait penser, elle n’est pas au cœur du récit. Les hommes sont au cœur du récit. Il y a certes des personnages principaux, très importants dans l’histoire et dans la narration qui sont des sorciers ou des créatures magiques, mais tout tourne autour des humains, de leurs choix, de leur tracas et de leurs dilemmes. On a clairement un mixte entre GoT et le SDA de ce point de vue-là. En effet la magie est au moins aussi présente que dans le SDA mais les incidences de celle-ci sont à peine moins limitées que dans GoT. Avoir un sorcier dans ses rangs est un bel avantage mais il ne changera peu ou prou le destin des hommes avec qui ils sont, s’ils sont inférieurs en nombre que leurs ennemis par exemple. Il y a certes des personnages extrêmement puissants comme les Asservis ou la Dame mais ils sont contrecarrés par des mauvaises décisions ou des sorciers dans l’autre camp, ce qui rend le rôle de la compagnie noire d’une importance capitale. D’ailleurs, un mot sur les asservis, qui ont une classe sans égal. Glen Cook a un sacré talent pour nous mettre dans l’ambiance et nous donner de la dimension à ses personnages. En revanche, vous ne trouverez ni elfes ni trolls, personnages typiques de la fantasy. Mis à part le dragon, la plupart des créatures sont des inventions de l’écrivain : baleines de vent, Forvalaka, les roches parlantes…


IV. Une histoire prenante


Un mot sur l’histoire car elle a quand même son importance. Tout d’abord, elle est extrêmement imprévisible. Lorsque l’on prévoit quelque chose, ou que des personnages ont pour but d’atteindre un objectif, ça ne se passe jamais comme prévu. Le livre nous prend régulièrement au dépourvu et il n’est pas rare d’en rester bouche bée. Un détail plaisant de cette saga est qu’il regorge de stratégie. C’est un livre particulièrement apprécié par les militaires parce que la stratégie armée est poussée et passionnante. On a vraiment le sentiment que les personnages ont pensé à tout. C’est justement ce qui rend la surprise encore plus grande, car malgré les nombreuses précautions on obtient néanmoins un résultat inattendu. Un autre aspect inattendu est que la saga est composée de personnages ni blancs ni noirs. On a quelques personnages diaboliques comme le Dominateur mais sinon les autres ont leur bon et mauvais côté. Les rebelles se battent contre l’Empire de la Dame mais ils brûlent villages et violent les femmes survivantes. Et la compagnie noire se bat pour les supposés méchants, contre les rebelles. Un point de vue surprenant dans un univers sombre et sans pitié.


En conclusion, c’est un livre et une saga que je ne peux que conseiller. C’est extrêmement rythmé, les personnages sont particulièrement intéressants et on ne s’ennuie jamais. Si l’envie nous venait de sauter cinq/six pages il est très probable que l’on ne comprenne plus rien tant l’histoire avance vite.


Il ne faut cependant pas sous-estimer la difficulté au départ et il faut savoir accrocher au style de Glen Cook (ou de son traducteur). Le vocabulaire est soutenu et il n’est pas rare de voir apparaître des expressions anciennes et qui nous sont inconnues. Soutenu est le maître mot de cette œuvre, relatant une histoire complexe et riche, qui ne demande qu’à être adaptée par HBO.

MatthieuS
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le 18 août 2017

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