Pourquoi critiquer un livre déjà critiqué par presque chacun de ses lecteurs ? Pour le cadeau bien sur (?), mais aussi et surtout pour donner des retours à un auteur sur son travail (Est-ce que ce fut un travail?), et surtout l'encourager à persévérer. Je pense que monsieur Wails est un nouvel auteur très prometteur qu'il convient d'encourager par tout les moyens. Oh, son premier roman n'est pas exempte de défauts, et si l'on accroche pas à tout et l'on trouve quelques reproches à faire, c'est pour mieux mettre en valeur les qualités inhérentes. D'ailleurs pour la peine je vais tenter ici de faire le moins de fautes d'orthographe possible. Et l'auteur, s'il vient à passer par la, saura que de ma part c'est un bel effort. Qui lui est souvent réservé d'ailleurs, maintenant que j'y pense. De toute façon, si fautes subsistent, la faute en reviendra à mon correcteur que j'ai peut-être un poil surestimé.

Well (Wails), commençons par les « défauts ». Ce qui m'a moins plu. Pas toujours très objectif d'ailleurs ce qui va suivre. En plus en littérature je suis ce qu'on appel par chez moi « une brêle ». Bref, par exemple, quelque chose de tout bête, comme la taille moyenne d'un paragraphe. Moi qui sortait de l'Idiot puis de Crime et Châtiment, j'avoue avoir eu du mal, surtout au début, avec ces paragraphes qui tiennent parfois en cinq ou six lignes. Un rythme étrange donné par tout ça, des chapitres étonnement courts, une construction qui m'a laissé plutôt, hum, perplexe. Après je suis sans doute le seul à avoir été « dérangé » par ça, et sans doute, si j'avais lu avant des choses plus sobres, aurais-je moins été interpellé. Ensuite quelque chose que j'ai pas trop compris, qui m'a même beaucoup surpris. Si Piotr, Josh, et Anne sont dépeins de façon très plaisante, les personnages secondaires m'ont parus un peu (voir carrément) oubliés, et j'ai eu à la fin un peu de mal à saisir parfois le pourquoi de leur présence finalement. Maël, personnage intéressant, intriguant, j'avoue avoir penser qu'il prendrait un peu plus part à l'intrigue, puis non. Ou Elise. Ou Vera. Ou le psy de Josh. Certes, d'une façon ou d'une autre ces personnages vont s'effacer, Mael va partir en Chine, Josh va quitter son psy, et on retrouve Elise à la fin dans un génial monologue intérieur, mais... Non, ce sont vraiment des personnages secondaires. Un peu trop quand même non ? On ne les connaît finalement pas du tout, et c'est regrettable, car le bref aperçu qu'on nous a fait nous laissé entrevoir des personnages intéressants, qui auraient gagnés à être plus connus. Peut-être était-ce le but, je n'en sais rien. Pour être franc je n'ai pas voulu lire les autres critiques (à part une ou deux que j'avais déjà lu) afin d'être le moins possible influencé dans mon jugement.

Maintenant le venin craché, passons aux réjouissances. La première, pour laquelle je voudrais tirer mon chapeau virtuel à l'auteur, est cette inimitable légèreté de ton qu'il emploi avec cette (apparente ?) facilité si trompeuse. Ah ! J'ai commencé à réellement aimer le livre à partir du passage du poisson dans la cuisine de Anne. La façon à la fois simple, charmante, naïve, intelligente dont il nous fait vivre ce poisson est absolument délicieuse ! J'aime, quand "Anne reposa la bête", quand elle « se pencha sur le poisson, qui la fixait de son gros oeil accusateur et mouillé"... Par des petites personnalisations fines, joyeuses, et légères, et des procédés de ce goût la, Stanislas Wails donne une sorte de vie à certaines choses. En fait je crois que personne ne pourrait rester insensible à ce petit style unique. Et le mieux dans tout ça, c'est que c'est sans cesse renouvelé, on ne s'y habitue jamais, et tout le long on se laisse surprendre lors des apparitions de cette façon d'écrire. Sinon, à retenir, en fait la fin surtout m'a laissé pantois, est quelque part très bien amenée. Je n'en dit pas plus, on va me reprocher de ré-écrire le livre, massacre auquel je ne me livrerais pour rien au monde. Puis une petite phrase que j'ai beaucoup aimé, qui donnera peut-être un bon aperçu de la subtile légèreté d'écriture que l'on est susceptible de trouver cachée entre ces pages : "Il n'avait pas l'ironie mordante de son meilleur ami : son humour à lui laissait mourir le monde, quand celui de Joshua voulait le tuer en combat singulier". C'est propre, concis, beau, ça va droit au but sans se perdre en fioritures, mais ça réussit en même temps l'exploit d'être de la vrai poésie, d'être touchant, parlant, onirique peut-être. J'ai réellement adoré cette image, ainsi que d'autres que l'on peut trouver. Quand je dois moi aussi être rapide les rares fois ou l'on m'a demandé ce que j'avais pensé de ce livre, la première chose qui m'est venue à l'esprit est ce talent qu'on ne peut pas manquer pour l'écriture. L'histoire est quand même pas mal maîtrisée quand on y pense, cette affaire de maison héritée par les trois enfants amène quelque chose d'intéressant. Tiens dans tout ça j'ai oublié de parler de la lettre d'introduction, celle du père, qui m'a beaucoup touchée. Puis plein d'autres petits passages. Non, je ne peux décemment pas laissé cette œuvre à 6, c'est vraiment un très bon moment que je recommande à tout le monde. Et pour couronner le tout, plein de petites références qui viennent parsemer toute l'oeuvre, références multiples, diverses, dans plein de domaines. Puis le découpage en deux parties, j'ai adhéré largement.

Et enfin, en vrac, quelques questions que je me suis posé, tout au long du livre. Car c'est un exercice extrêmement délicat que de lire un livre en en connaissant (même de loin) l'auteur. Plus encore quand on admire beaucoup le peu que l'on en connaît. On se dit « ah tiens, il pense ça ? Ou c'est juste son personnage ? » Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander quelle part de lui même il mettait dans ses personnages, ce genre de choses. Bien sur, les questions étant souvent personnelles, je n'attends pas de réponse. Sauf peut-être pour la première tout de même.
Alors déjà, par recoupement un peu, je voulais savoir si le film que regarde Elise à la fin, c'est bien Rocco et ses frères ?
Parlez vous, êtes vous Russe ? Pourquoi avoir choisis une famille Russe ?
Et quelle part de recherche y-a-t-il dans l'histoire de cette famille, dans leurs ancêtres... ?
D'ailleurs, pur hasard que le sujet de la thèse sur le hasard dans la révolution Russe ? Car c'était une nouvelle idée très plaisante.
Exprimez vous votre « côté gai » à travers Joshua ?
Dans les rapports entre ces frères et sœur, quelle part d'expérience personnelle ? Pour avoir moi-même deux frères, j'ai bien finis par comprendre que les rapports sont bien différents de ceux que peuvent entretenir une famille de deux enfants, ou de quatre, et j'ai trouvé ça bien retransmis. Avez vous deux frères/soeurs ? Ou avez vous demandé, dans votre entourage ? Observé ?
Quelle part de vécu dans les expériences des images que vous décrivez avec tant de justesse ? Quand toutes ces grenouilles croassent de façon moqueuse, vous est-ce déjà arrivé ?
Quelle part de vécu dans les rapports amoureux des personnages ?
Votre source d'inspiration principale ?
Dans quelle mesure avez vous calqué vos personnages fictifs (?) sur ceux de votre entourage ? Ou sont-ils réellement le pur fruit de votre imagination ?

Puis ma foi plein d'autres questions que je me suis posé, et que j'ai oublié bien sur. En fait c'est généralement des questions que j'aimerais poser à un auteur (de qualité), chose que je n'ai encore jamais pu faire. Ah et bravo pour la citation d'Alfred Capus.
Bref, en résumé, chapeau, pour un coup d'essai, c'était brillant, et je serais heureux de compter parmi les premiers à acheter votre prochain roman, si prochain il y aura, ce que l'on souhaite tous je n'en doute pas. Et comme disait un autre, « Insistez, Stanislas » !
Adobtard
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le 20 nov. 2011

Modifiée

le 23 sept. 2012

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