Antonio Moresco est un écrivain Italien dont la réputation et le talent sont unanimement reconnu dans son pays; sa notoriété n’était pas encore venue jusqu’à moi, mais il faut bien se résoudre à ne pas tout connaître !

Rarement eu l’occasion de pénétrer dans un univers à ce point étrange; onirique où la nature est maladivement prolifique, envahissante, dévorante proliférant à vue d’oeil.

C'est dans un village que le personnage central du livre s'est installé - "je suis venu ici pour disparaître", est-il écrit au début.
Mais c'est aussi bien le monde qui est en train de disparaître dans une obscurité qui n'est pas seulement celle de la nuit. Pourtant, ce monde, il le contemple avec une sorte de fascination, du vol des hirondelles aux deux blaireaux dont il interrompt la marche, il parle avec ces animaux; il y décèle le long processus d'un pourrissement qui se marie étroitement avec le renouvellement sans but d'une végétation maléfique.
En aucun cas ce monde ne peut servir de refuge, il ne présente aucune stabilité, la terre y tremble constamment.

A la lecture de « La petite lumière », j’ai pensée à une condamnation imminente de la nature humaine, livrée éternellement à la douleur et au mal.
Le monde physique ne protège pas, il est hostile à l’homme démuni et fragile : rien ne rachète l’humanité. Le narrateur apparaît comme l’élu, le seul à voir l’invisible pour les autres.

Chacun, à travers cette évocation superbe et ce qu’elle fera résonner en lui, esquissera sa réponse au fil de la lecture. Lui, l’auteur poursuit son récit, ce qu’il à nous dire du monde, but suprême de la littérature.
Et là, l’étrangeté de ce monde, la majestueuse présence de la nature, l’absence de raison, chez ces quelques résidus humains encore accrochés à la vie, nous atteint en plein cœur grâce au flot de la langue d’Antonio Moresco, riche en adjectifs, précise, sans psychologie aucune, qui laisse ouverts tous les possibles.

D’ordinaire symbole de l’espérance, mourant chaque soir pour renaître chaque matin, la lumière, dans le roman d’Antonio Moresco, s’allume le soir tandis que le monde s’assombrit de plus en plus. Tout est inversé, renversé, comme dans un jeu de miroir : les hommes sont silencieux, quand les animaux se sont emparés des mots. Les hirondelles hurlent, telles des Erinyes qui annoncent la fin des temps.
Servi par une prose magnifique qui confine à la poésie, avec des dialogues qui sonnent toujours juste, le roman d’Antonio Moresco est une pépite qui réchauffe au cœur des ténèbres.

L’essentiel de ce livre réside dans une rencontre improbable entre un homme solitaire et un enfant qui s’occupe seul de lui.
Un texte ouvert qui fourmille entre résonance et souvenir de chacun.

J’ai ainsi pénétrée dans l’univers de ce romancier, un voyage en terre inconnue me laissant désorienté, troublé mais heureuse… heureuse que la littérature puisse encore avoir une telle force évocatrice et susciter autant un tel imaginaire.
DivinecomdiedeDante
10

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le 27 déc. 2014

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