Voilà un récit atypique, à mi-chemin entre le conte pour enfants et le conte philosophique, qui commence par un accident, qui finit par un accident et qu'on pourrait poétiquement qualifier d'accident littéraire.

Je ne connaissais rien de l'auteur, pas même son nom, ignare que je suis ! J'ai donc fait la connaissance de Roland Topor, artiste « accompli » et oh combien polyvalent, s'il en est ! Illustrateur, dessinateur, peintre, écrivain, poète, metteur en scène, chansonnier, acteur et cinéaste français... arrêtons-nous là, c'est déjà bien assez, n'est-ce pas ?

Loufoque à souhait tout comme devait l'être un tel personnage, ce récit narre non pas les aventures d'une petite fille mais d'un jeune homme, Jonathan, qui pourrait bien être l'auteur lui-même déguisé en jeune homme, vous me suivez ? oui, parce que dans ce roman tout est illusion, mais absolument tout.

Paradoxe, fantaisie, absurdité, quiproquo, lubie, délire... voilà quelques uns des ingrédients fantastiques que contiennent ces quelques pages si fournies et si foisonnantes. L'auteur s'amuse, on sent qu'il s'en donne à coeur joie ; et il s'amuse non pas aux dépens de ses lecteurs mais avec ses lecteurs... aux dépens de la société de la pensée unique.

Pour commencer, il leurre ses lecteurs et leur fait croire qu'ils viennent de plonger dans un "Alice au Pays des Merveilles" bis ; il donne même le nom de son "Alice" au roman et pourtant... son "Alice", enfin son "Angine" plus exactement, n'est en réalité que le Lapin Blanc de son roman à lui et son "Lapin Blanc" à lui n'est pas ami avec un Chapelier Toqué mais avec un Chancelier... et son "Chapelier Toqué" à lui ne boit pas de thé mais... uniquement du vin rouge, c'est un ivrogne bien qu'il s'appelle "Vitamines", etc, etc, etc. Vous êtes perdus ? Alors, demandez votre chemin aux poissons rouges.

En fait, l'"Alice" de Topor n'est pas une petite fille mais un grand garçon ; son "Alice", c'est Jonathan. Ce dernier est percuté par un camion-éléphant et est embrigadé par la Princesse Angine et le Chancelier dans leurs folles aventures. Eux-mêmes sont complètement tapés et il se pourrait bien qu'ils entraînent Jonathan dans leur folie. A moins qu'ils ne soient pas fous mais que Jonathan, lui, le soit ? Pour le savoir, lisez l'histoire.

Dans cette histoire, vous trouverez, en vrac : des fées, bonnes ou méchantes, une reine transformée en armoire, des bandits barbus et poètes, vous irez à Lourdes, à Jérusalem et à la Mecque, vous boirez beaucoup, tellement que vous vous sentirez sans doute un peu ivres, bringuebalés sans ménagement dans le camion-éléphant ; vous serez peut-être enivrés par les mots et leurs jeux subtils et pleins d'humour ; vous serez très certainement étonnés, désarçonnés, désorbités, déroutés mais certainement pas déçus du voyage. De cette traversée courte mais fulgurante dans l'imagination infinie de l'auteur, vous ressortirez comme on s'extrait de la contemplation d'un tableau surréaliste, c'est-à-dire à la fois fasciné et perplexe. Chapeau l'artiste !
Gwen21
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le 27 nov. 2013

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