Il n'y a pas eu d'autre moment dans l'Histoire durant lequel un groupe social a pu se consacrer aussi exclusivement à l'analyse de l'amour et des passions. Le mouvement précieux est fascinant pour cette raison-même : avant lui, les œuvres d'amour se résumaient aux sonnets chevaleresques et aux chansons galantes.


Après lui, l'amour s'inscrit toujours dans des enjeux autres, qui le prolongent ou le dépassent, il n'est jamais plus considéré comme un objet indépendant et "pur" eu égard aux autres aspects de la vie (l'argent, le travail, le pouvoir, la santé, etc.). Non que chez Madame de Lafayette, l'amour soit purement hermétique aux autres inclinations et affections : les longues passages décrivant la Cour, les manigances et préoccupations des courtisan(e)s, les ambitions et les jeux de pouvoir qui se jouent derrière les rideaux, le montrent. Cependant, ceux-ci ne constituent guère qu'une toile de fond, un arrière-plan : devant tout, Madame de Lafayette parle de l'amour lui-même.


Les précieuses avaient vu une chose belle et terrible, qui a par la suite été masquée par le bruit qui se fait toujours autour de l'amour : c'est que celui-ci ne peut exister en tant que tel. Il faut distinguer deux choses : d'un côté la passion (le désir), qui ne dure qu'un temps, et ne peut se prolonger que tant qu'elle reste insatisfaite; de l'autre la tendresse, qui est un amour calme et tranquille, une sorte de repos de la passion (dans un sens mélioratif, presque bouddhiste). S'abandonner à ses passions amoureuses ne peut mener qu'à sa perte, à celui de l'être aimé, voire à la mort.


Certes, les personnages de Madame de Lafayette, au premier rang desquels Monsieur et Madame de Clèves et le duc de Nemours, sont caricaturaux dans leur absolutisme et leur perfection. Ce sont des sortes d'anges (on imagine aisément que si les anges existaient, ils seraient occupés à des affaires similaires). Là semble être la conclusion de Madame de Lafayette : seuls les anges doivent être occupés d'amour. Aux humains il faut la constance, la raison et la tendresse.

Orazy
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le 4 juin 2019

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