[Mise à jour : Comme toutes mes critiques et mes notes, celles-ci traduisent mon opinion au moment où je les ais livrées. Mon opinion sur Hayek et sur ses idées ayant sensiblement évolué depuis la rédaction de cette critique et la note que j'ai attribué à ce livre, prière de ne pas prendre nécessairement chaque mot écrit ici pour le reflet exact et précis de ma pensée actuelle. Car j'aurais des choses à redire. Je le préciserais peut-être à l'occasion.]


Chers amis socialistes de tous les partis,


Vous êtes animés de bonnes intentions et c'est tout à votre honneur. Mais le drame, c'est que portant votre attention sur les fins plus que sur les moyens, c'est-à-dire en jaugeant surtout les intentions, vous ne comprenez pas que la mise en pratique de vos idées conduit, et conduira systématiquement, au contraire de ce à quoi vous aspirez vous-même.


Telle est la grande leçon de La Route de la Servitude.


Il s'agit peut-être d'un des plus importants essais politique du XXe siècle, à lire, à relire et à méditer. C'est un ouvrage relativement court, mais extrêmement riche, qui montre comment certains présupposés socialistes (la subordination de toute la société à un but unique, le rejet du libéralisme du XIXe siècle...) ne peuvent que conduire tôt ou tard au totalitarisme, malgré les "bonnes intentions" des socialistes, qui deviennent malgré eux le cheval de Troie d'un système qu'ils rejettent. (« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » écrivait Bossuet.) Publié à une époque où l'Allemagne était encore sous le joug du national-socialisme, Hayek démontre notamment que c'est exactement ce qui s'est passé dans ce pays, et que la plupart des opposants au nazisme n'ont pas voulu en tirer les leçons.


Un extrait tiré du début du livre qui me semble significatif :



La confusion porte sur rien moins que le concept même de socialisme. Ce terme peut signifier, et sert souvent à définir simplement les idéaux de justice sociale, d'égalité et de sécurité accrues qui sont les fins dernières du socialisme. Mais il signifie aussi la méthode particulière par laquelle la plupart des socialistes espèrent atteindre ces fins, et que bien des gens compétents considèrent comme les seules méthodes par lesquelles elles puissent être pleinement et rapidement atteintes. Dans cette acception, le mot socialisme signifie abolition de l'entreprise privée, de la propriété privée des moyens de production et création d'un système d'"économie planifiée" où le chef d'entreprise travaillant pour un profit est remplacé par un organisme planificateur central.
Il y a beaucoup de gens qui se donnent à eux-mêmes le nom de socialistes et qui ne se soucient que de la première acception du mot socialisme. Ils croient avec ferveur à ces fins dernières du socialisme, mais ne ne veulent ni ne peuvent comprendre par quels moyens elles pourront être atteintes. Ils se contentent d'être sûrs qu'il faut les atteindre à tout prix.
[...]
Et la confusion s'est encore aggravée du fait que l'on accuse communément ceux qui refusent les moyens de mépriser les fins. Ce n'est pas tout. La situation se complique encore du fait que les mêmes moyens, le "planisme économique" qui est le premier instrument de réforme socialiste, peuvent être utilisés à beaucoup d'autres fins. [...] Que nous souhaitions donner davantage des biens de ce monde à une élite raciale, les Nordiques, ou aux membres d'un parti ou d'une aristocratie, les méthodes que nous aurons à employer seront les mêmes que celles qui pourraient permettre une distribution égalitaire.



De nos jours, beaucoup de gens ne comprennent pas comment des systèmes aussi dictatoriaux que le troisième Reich ou l'Union soviétique ont put être si populaires. Cet essai donne la clef de l'explication et montre que les préjugés totalitaires sont encore présents chez beaucoup d'entre nous. Un livre d'une actualité brûlante, à une époque où l'antilibéralisme va de soi chez la plupart des gens.


Juste une petite indication : Préférez la 6e édition à la 5e chez PUF. Dans la 5e, le texte est trop concentré, la police et l'interlignage sont tout petits, bref, c'est pas super agréable à lire car le texte ne respire pas.
En outre, la traduction française est très imparfaite et si vous en êtes capable, mieux vaut lire l'ouvrage en anglais.

gio
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le 17 févr. 2014

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gio

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