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La Violence et la Dérision est un court roman qui rappelle les contes philosophiques du XVIIIe siècle, dans son allégresse comme dans son cadre moyen-oriental. Il est à cet égard un peu désuet ; de la même façon que son auteur, le franco-égyptien Albert Cossery, est resté le type même de l’écrivain germanopratin longtemps après que Sartre et le jazz ont été chassés par Armani et Steinway. Surtout, le livre se perd un peu dans le no man’s land stylistique qui sépare le genre du roman de celui du conte. Le cadre est très stylisé : ni le gouverneur ni la ville n’ont de nom ; les descriptions des personnages et des lieux sont très sommaires. Mais, contrairement au conte, il ne se place pas dans une position d’extériorité stricte vis-à-vis des personnages — ceux-ci ont des appartements, des chambres, des maîtresses, des pensées, ils fabriquent des cerfs-volants…


Or le milieu du roman est, par excellence et par nature, celui de la complexité du réel, du faux-semblant. Il se prête mal au simplisme tolérable dans le conte, ou même qui fait son charme. Pourtant, La Violence et la Dérision est volontiers simpliste. Il soutient pourtant une morale qui n’est pas dénuée d’originalité ou de piquant, en particulier à l’âge d’Indignez-vous ! : la rébellion contre les pouvoirs est nécessaire, mais l’humour (et non l’indignation, qui entretient au contraire le pouvoir) est la seule façon de se rebeller valablement. Elle est, par moments, mise en scène avec intelligence ; la chute du récit et l’intrigue centrale illustrent avec simplicité et adresse l’argument central du “conte”.


Mais, dès que l’on s’écarte un instant du fil principal, cette morale écrase complétement le récit de sa superbe (offrant, de manière inconsciente, comme une nouvelle protestation inconsciente contre toute volonté de totaliser le monde et de l’ordonner autour d’une seule logique, première tentation du pouvoir et première cause de rébellion). Les personnages sont classés brutalement selon leur capacité de saisir la grande “blague” (on notera au passage que toutes les femmes sont classées d’office dans la catégorie de celles qui ne saisissent pas). On croit voir poindre une nuance avec le personnage du professeur, déchiré par la folie de sa mère et incapable d’en rire et de s’en émerveiller comme le chef des rebelles “dérisoires”, Heykal ; mais il finit par capituler sans conditions à la logique de ce dernier. Déception, donc, devant ce qui aurait pu être un récit subtil mais n’est, en définitive, qu’un roman maladroit.

Venantius
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le 28 déc. 2017

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