Je viens de faire la connaissance de la narratrice de ce roman. Elle nous présente toute sa famille. Un père, chasseur de gros gibier, grand colérique, alcoolique, grand buveur de whisky, assis devant la télé, une mère , inexistante, craintive, soumise aux moindres désirs de son mari et son petit frère Gilles, avec qui elle est très liée ,très protectrice. Un amour indestructible qui peut panser toutes les blessures de la vraie vie. En quelques pages, j’ai déjà l’horrible sensation que la joie n’existe pas au sein de cette famille qui ne semble pas apprécier le moment où ils se retrouvent réunis, autour du repas du soir. Ces retrouvailles ressemblent davantage à une punition, elles sont même comparées à « un verre de pisse » que chacun des membres devait boire quotidiennement.
Je suis plongé dans une atmosphère pesante et je dois avouer déstabilisante. Je glisse vers un néant vertigineux dont je ne vois pas l’issue. Une certaine angoisse se resserre autour de moi, m’étouffe, me saisit presque à la gorge et ne semble pas vouloir relâcher son étreinte. Cette histoire est terrifiante. Dans cette maison, le tragique marque sa présence en permanence, ça sent la mort, une des quatre chambres est même dédiée aux cadavres rapportés de la chasse.
Face à la violence physique et psychologique, de cet univers impitoyable, glauque, et malsain, j’ai ressenti le besoin de faire une pause dans cette lecture, en me demandant si j’allais reprendre le cours de l’histoire. Et puis, j’ai éprouvé du remord, j’ai eu l’impression d’abandonner cette petite narratrice livrée à elle-même ; elle a beaucoup de cran face à sa destinée. De plus, l’amour qu’elle porte à son petit frère est bouleversant. Cet amour fraternel est presque devenu un amour maternel. La tragédie qu’ils ont traversées ensemble a complètement muré le garçonnet dans le silence. Sa sœur le prend totalement en charge, pour tenter de lui rendre le sourire, et le faire sortir de son mutisme.