Lors d'une sortie scolaire, le train qui emmène Kyle et ses camarades de classe déraille. Alors que tous sont blessés ou inconscients, notre jeune héros découvre qu'il possède l'étrange capacité d'entrer dans l'esprit de ceux qui l'entourent. Il devient alors le témoin de leurs pires cauchemars.


C'est ce fil conducteur qui permet de relier les chapitres du récit, ces derniers pouvant être lus indépendamment. L'auteur précise à la fin de son ouvrage que pour sa réalisation, elle a repris certaines nouvelles déjà publiées dans des anthologies. Si cette "double" construction a gêné certains lecteurs, cela n'a pas été le cas pour moi. Je trouve que la transition fonctionne plutôt bien malgré l'alternance de style entre les nouvelles (fantastique, horreur, thriller, science-fiction). J'ai tout particulièrement apprécié deux "visions". Celle d'un jeune soldat démobilisé qui téléphone à son père pour lui relater qu'il a été sauvé par un de ses camarades (la suite du récit est aussi inattendue que dramatique) et celle d'un monde dévasté par les armes chimiques et les pluies acides où les individus doivent se battre pour survivre. À noter qu'il y en a pour tous les goûts : histoires de monstres et de créatures mythiques, récits de guerres et d'esclavage, histoires de meurtres, etc.
Je dois avouer que j'ai rapidement eu en tête une ébauche du dénouement, qui s'est confirmée par la suite, mais cela n'a pas vraiment gâché ma lecture car son importance n'a été que secondaire à mes yeux. J'ai d'ailleurs rapidement accroché au style de l'auteur qui parvient à retranscrire les sentiments de son héros, mais aussi les émotions des personnages secondaires, notamment les plus torturées : souffrances psychologiques et physiques, peurs enfantines, désillusions, mais aussi amour et espoir. Elle est parvenue à développer une psychologie propre à chaque histoire ce qui les rend indépendantes et rythme le récit. Cette notion de cauchemar a ici une double signification : elle est à la fois liée à nos peurs profondes, qui se retranscrivent dans nos rêves, mais aussi à l'horreur de notre réalité. Comme le dit l'un des personnages au cours du roman : « C'est à ça que ça sert. Tes rêves servent à révéler qui tu es ». Et si ces derniers ne sont pas tous prophétiques, ils en révèlent beaucoup sur les protagonistes ainsi que sur notre monde. Grâce à ces histoires dramatiques, l'auteur peut ainsi traiter du suicide, du racisme, du meurtre, de la guerre, du viol... Ce parallèle avec nos propres comportements d'humains revient dans les propos mêmes du héros : « À chaque fois que j'ai pensé qu'une chose monstrueuse ne pouvait se produire dans la réalité, les infos m'ont invariablement prouvé le contraire ». On en oublie presque que ce roman est destiné à un jeune lectorat (11 ans et + d'après la quatrième de couverture, ce qui semble un peu jeune par rapport à certains thèmes abordés).


Malgré le lectorat visé, l'auteur n'hésite donc pas à aborder des sujets sensibles et contemporains tout en évoquant le double monstrueux qui se cache en chaque individu. La couleur de la peur est un roman/recueil sombre porteur d'un message d'espoir et Marjorie Blackman démontre que la littérature jeunesse peut être à la fois éprouvante et poignante.



« Les cauchemars sont parfois des souvenirs refoulés. Certains révèlent le passé, d'autres, le futur. La plupart sont juste des mauvais rêves ou des peurs qui hantent ceux qui les font. »
« Mais est-ce que ça va arriver ? la guerre et la pluie ? » ai-je lâché dégoûté par le manque de précision de sa réponse. Rachel a haussé les épaules.
« Qui sait ? Peut-être, probablement... »


BillyMay
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le 21 oct. 2017

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