Les poèmes de "La perte du temps" atteignent une sainte simplicité malgré leur admirable complexité. Plusieurs thèmes les inspirent : le temps bien sûr, mais aussi la nature, la poésie, l'amour... Ces poèmes sont des tresses délicatement nouées par deux, trois ou quatre fils thématiques. Miracle de sourire - comme le chat d'Alice de Lewis Carroll - le fil de l'humour fait scintiller maints poèmes d'une aérienne dimension...
......... "*LA MER SE SOUVIENT
c'est mémoire / la terre se retourne / c'est moisson
l'air a des ailes / c'est souffle et feu / au milieu
tout recommence
la mer écrit l'écume / la terre relit et l'air / danse sur la flamme / qui efface la trace
tout recommence
la mer fait du sel / la terre du sable / le vent fait signes / au feu qui saigne / à blanc les étoiles
tout recommence*"
......... "*ELLE RÉPÈTE
je n'aime pas les enterrement / je ne suivrai pas même / le mien
j'ai répondu : ne t'inquiète pas / ma chérie j'y serai
finalement elle l'a mal pris / son chapeau semblait furieux et / de travers*"
......... "*À L'HÔTEL DE
La Porte qui Claque
j'ai pris / ta brosse à dents / c'est tout ce qui reste
pour retrouver le goût / de ta bouche dans / la mienne
j'ai payé / la note du bar / c'est tout ce qui reste
je suis sorti / les yeux dans les yeux / vides du ciel
la pluie n'avait pas de / paupières*"
Le recueil se termine par quarante scénettes entre un maître zen et deux disciples. Un jeune homme interroge inlassablement son maître : qu'est-ce que la nature ? Qu'est-ce que le temps ? Qu'est-ce que le poème ? Une jeune femme intervient : qu'est-ce que l'amour ? Nous retrouvons les thèmes de "La perte du temps". Jeune homme, jeune femme et Werner Lambersy s'interrogent, se confrontent à des réponses provisoires, reprennent leur quête interrogative.
"Ils avaient parlé de tout et de rien.
Encore un peu excités, ils se calmaient lentement
en regardant le crépuscule envahir la pièce. Enhardi
par cette intimité,
le jeune homme se permit :
Maître, que peut-on faire contre la mort ?
Le maître réfléchit, puis brutalement, tira la langue.
Ensuite, il approcha la théière et versa, mais le thé était froid."
Les réponses inattendues du maître des quarante kôans d' "On ne peut pas dépenser des centimes" peuvent déconcerter. Réponses dérisoires ou lumineuses ? Pleines d'humour en tout cas... Un jour le jeune homme s'impatiente : "Maître, tout cela, ce ne sont pas des réponses !"
Et les centimes ? C'est ce qui reste, le résidu de nos dépenses spirituelles. Nous les mettons de côté quand les réponses manquent leur cible. Nous attendons le déclic d'une réponse libératrice.