Un Ogre élève seul son fils au fond des bois. Vivant en harmonie avec la nature, tous deux s'aiment d'un amour sincère fait de tendresse et de complicité. Mais ce père attentionné reste un ogre, qui régulièrement rapporte de chasse un enfant qu'il mangera avec voracité face à son fils démuni, qui condamne depuis toujours l'anthropophagie de ce dernier.
En réponse aux supplications de son garçon, l'Ogre lui fait la promesse de ne plus manger d'enfant, c'est bien sûr sans compter sur sa nature profonde d'Ogre, qui le rattrape malgré ses efforts. De retour de chasse, il ramène une petite fille destinée à son dîner, son fils s'est enfui ne voulant assister au sacrifice de l'enfant. Mais alors que l'Ogre s'apprête à abattre la petite fille, il ne trouve pas son couteau. Une guêpe salvatrice vient alors lui piquer le nez, de douleur, il libère la fillette qui court jusqu'à un ravin où elle se trouve prise au piège. Alors qu'il l'enserre, la terre se dérobe sous ses pieds les plongeant tous deux dans le précipice, où seul un tronc d'arbre les retient à la vie. Survient alors le fils, qui imploré par son père, se refuse à le sauver, et tend la main à la petite fille, laissant l'Ogre s'abîmer au fond du gouffre. Il y meurt auprès de son couteau ayant soudainement réapparu.


 Cet album dérangeant et riche est bien loin d'un récit binaire où s'opposeraient "gentils" et "méchants" personnages. La cruauté et la tendresse les habitent de façon indissociable. L'Ogre de part sa nature est rustre, féroce. Pour autant il est un père attentionné, affectueux envers son fils avec qui il partage l'amour de la nature.
La Nature est d'ailleurs un adjuvant tout au long du récit. C'est elle qui rassemble les deux protagonistes à travers leur passion, mais elle sellera l'issue de l'histoire à travers double-page muette qui ouvre l'automne, saison où la nature se meurt et avec elle la promesse du père, rattrapé par ses pulsions d'Ogre. La figure paternelle s'estompe alors, ne laissant place qu'au personnage bestial de l'Ogre qui reprend définitivement le dessus.
C'est également la Nature qui aidera à la libération de la petite fille en se personnifiant en guêpe venimeuse, et elle concourra également à la séparation irrémédiable du père et du fils quand "à ce moment l'arbre choisit [de] céder".
Il est aussi question de nature de l'individu: promettre à son fils qu'il ne chassera plus d'enfant revient à aller à l'encontre de ce que la nature a fait de lui: "un Ogre qui se respecte mange des enfants: comme le renard mange des poules, les araignées les mouches, le lapin des carottes... et l'âne du foin!"
L'ellipse tient elle aussi une place importante dans le récit, et offre au lecteur la possibilité d'aller au-delà de ce qui est raconté:
- de la mère, il est question en première page où nous apprenons que celle-ci est décédée sans que cela semble "affecter l'ogre", puis en arrière plan, une photo jaunie sur la première double-page où l'ogre figure -au premier plan- enjoué présentant un plat à son fils dont le visage semble terré. Celle-ci aurait-elle été humaine? justifiant ainsi le refus du garçon de se nourrir d'enfant? comme une promesse, là encore, à la défunte. Comme un choix de sa nature à lui, de son identité. Notons aussi la présence la Lune, figure maternelle, quand l'enfant se réfugie en haut d'un arbre afin d'échapper aux sacrifices.
- Puis le couteau de l'Ogre disparaît dés lors que le fils s'enfuit, pour ne réapparaître qu'au fond du ravin, auprès de l'Ogre mourant. Ce symbole de la virilité, du chasseur, du guerrier, aurait-il été jeté par l'enfant qui "tuant son père" s'émancipe et se refuse au destin que lui aurait imposé sa filiation?

Les illustrations expressionnistes de Régis LEJONC tout en clair-obscur appuient l'ambivalence des sentiments et personnages. Le duo illustrateur/auteur fonctionne excellemment, tous deux parviennent par l'association mots/images à créer une atmosphère déroutante.


Le titre fait référence au roman de Romain GARY La Promesse de l'Aube où il est question d'une promesse de ne pouvant être tenue ainsi que de l'ambivalence d'un amour transcendant tout autant que destructeur.


Un album cru, inépuisable et subtil

Créée

le 30 oct. 2015

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