Michelet est un sacré personnage, un exalté passionné par l'Histoire camouflé en historien à la plume exalté (ce qui n'est pas forcément un reproche).
Ici il construit sa propre cathédrale païenne par mépris envers les constructions catholiques. Michelet réécrit le Moyen-Age sous forme de conte pour effrayer les enfants, son conte, (plus tard nommé Légende Noire) à base de droit de cuissage, qu'il invente in petto sous nos yeux outragés, et d'abus bibliques, deviendra pourtant quasiment histoire officielle. Le cœur de livre , soit le vieux principe occultiste qui associe Satan à la connaissance, n'est pas entièrement faux (voir ainsi Frances Yates) mais Michelet, entre passion et folie, exagère tellement que l'on quitte bien vite le Réel.
Ce n'est pourtant pas un vulgaire faussaire, il s'échauffe tant dans ses descriptions de Messe Noire et s'indigne si fort de la condition misérable du peuple de l'époque qu'on ne peut que croire à sa sincérité, mais comme disait Hessel ou Nietzsche nul ne ment autant qu'un homme indigné.
L'erreur centrale de ce brave Jules est tout simplement d'avoir confondu vapeur méphitique et odore di femmina, si content de sa jeune et jolie femme il croit avoir vendu son âme pour mériter un tel bonheur et se sent obligé de remercier Lucifer, devenu sous sa plume protecteur des faibles, pour un si bon marché. Son féminisme grossier mais touchant le fait croire aux succubes, et il se sent forcéc de les défendre. La réalité est trop peu héroïque pour le romantisme outré de Michelet.
Tout ça c'est la première partie du livre, assez fascinant il faut bien le dire, ensuite Michelet nous raconte des procès (mais postérieurs à la grande époque de la sorcellerie qu'il décrit) et là on se perd en confusion et ennui, j'avoue avoir diagonalisé pour finir ce livre qui en raconte beaucoup sur l'auteur, (déjà "héros" de Le XIXe siècle à travers les ages de Muray, il faut dire qu'il est l'exemple même de ce qui y est décrit, le mélange entre magie et socialisme), et une certaine mythologie française, mais pas assez sur le sujet-même, passionnant, de l'ouvrage.

ArnoldB
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le 15 oct. 2015

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